Le clan Coppola n’en finit plus de fournir de nouvelles ouailles à Hollywood. Après les neveux (Nicolas Cage et Jason Schwartzman) et les enfants (Sofia et Roman), voilà la petite-fille Gia. Du haut de ses vingt sept ans, la jeune femme réalise Palo Alto, son premier film adapté d’un recueil de nouvelles de James Franco. Mais son ascendance cinématographique (et celle de ses acteurs principaux Kilmer et Roberts), la signature hype et arty de Franco et la thématique adolescente, cheval de bataille de sa tante, agissent comme autant de sirènes d’alarme signalant un énième « film de ».
Banlieue chic pour adolescents paumés
Berceau californien de la Silicon Valley, Palo Alto se veut une bourgade ensoleillée où les villas avec piscine se suivent et se ressemblent. Autant dire que le bouillonnement hormonal des adolescents locaux percute violemment l’ennui profond qui y règne. Grâce à l’absence chronique des parents (ou leur totale inertie éducative face à leurs rejetons), la vie des teenagers s’étoffe de moments de débauche lors de fêtes orgiaques où drogues, alcool et sexe forment une certaine trinité. Dans cet éden bancal et dévergondé, April (Emma Roberts) s’ennuie au lycée, s’éclate au football et s’amourache de Teddy (Jack Kilmer). Mais le jeune garçon, sorte de bad boy plaqué or, préfère plier sa voiture contre un mur et fumer des joints, totalement aveugle à l’attention que lui porte la jeune fille. Autour de ce faux couple gravitent Fred, prêt à tout pour ressentir un frisson d’existence, Emily dont le corps semble la seule monnaie d’échange contre un peu d’attention et Mr B. (James Franco), l’entraineur de foot, père divorcé porté sur la chair fraiche de ses jeunes recrues.
Déjà vu
L’ennui adolescent dans les banlieues aisées rappelle les vierges suicidées de Sofia Coppola, la fuite en avant entre violence et drogue fait écho au travail de Larry Clark (Kids, Bully) et là réside une partie du problème Palo Alto. Sous couvert de narrer le quotidien d’une bande de jeunes paumés, Gia Coppola enfonce les portes ouvertes il y a des années par ses pairs. Sans être inintéressant, le portrait qu’elle brosse d’une jeunesse livrée à elle-même ne fait preuve d’aucune originalité. Mais le ratage du film est à chercher du côté scénaristique (peut-être l’ouvrage de Franco dont est tiré le film en est l’explication). Face à la caractérisation grossière des personnages, on reste en effet circonspect. Les personnages interprétés par le fils de Val Kilmer (Teddy) et Nat Wolff (Fred), son acolyte tête brûlée, sont présentés comme des héros borderline, presque dangereux sauf qu’à y regarder de plus près, ils ne sont que de pauvres gars qui s’adonnent à la marijuana (pour le côté junkie ça reste faible), et forniquent paisiblement dans des chambres roses d’adolescentes. Le traitement hyper dramatique de Gia Coppola n’en paraît que plus absurde et inadapté. La compassion ou la pitié que l’on devrait ressentir pour ces pauvres gosses largués, se transforme progressivement en indifférence, voire en mépris, car la bêtise qui les anime, déjà agaçante, se trouve encore renforcée par le sérieux de la réalisation, incapable de recul ou de relativisation face à son sujet. Heureusement les personnages féminins se révèlent nettement mieux lotis : la sentimentale April que les avances de Mr B. n’effarouche pas et qui ne s’en laisse pas compter quand elle découvre la vraie nature de son entraineur amoureux évite à Palo Alto de se consumer dans la caricature. Idem pour le personnage d’Emily, petite fille triste qui oscille entre ses rêves de prince charmant et la cruelle réalité d’une sexualité sans amour qu’elle pratique à tout-va.
Seuls au monde
Dans cette Amérique confortable et pourtant asphyxiante, les principaux responsables demeurent absents. Avec intelligence, la réalisatrice modèle des adultes plus détraqués les uns que les autres. Les parents jouent ainsi leur partition hors cadre, ombres errantes sans influence sur leur progéniture. L’entraîneur, figure paternelle absolue, profite de la confiance et de la proximité de ses élèves pour les mettre dans son lit. Lors d’une séquence, le père d’un ami de Teddy flirte dangereusement avec la morale (voire la loi) en devisant, joint à la main, avec l’adolescent jusqu’à créer une atmosphère ambiguë à la limite de la tension sexuelle. Les grandes personnes ne sont donc aucunement épargnées par Gia Coppola, épinglés par sa caméra dans leurs plus vils comportements. Dommage que le regard attendri qu’elle porte sur les adolescents se complaise dans des clichés chics et toc car le mordant du traitement qu’elle réserve aux adultes aurait mérité un pendant bien plus cru et cruel. Palo Alto confirme malheureusement, hormis quelques brèves scènes, les craintes du « film affiche » où les noms qui le composent comptent plus que le résultat à l’écran.