Tourné au Congo avec en majorité des acteurs non-professionnels (dont la jeune Rachel Mwanza, prix d’interprétation au dernier festival de Berlin), Rebelle nous plonge dans l’horreur de la guerre civile et de l’endoctrinement des jeunes pour servir la cause des opposants au pouvoir. Difficile de porter à l’écran un tel sujet sans tomber dans des facilités que le film n’évite pas toujours, sans que cela suffise pourtant à rendre l’entreprise détestable.
Rebelle fait écho à un autre long-métrage présenté en compétition officielle à Berlin cette année – Captive de Brillante Mendoza – dans sa description de situations limites dans des pays au bord de l’implosion. Ceci dit, les deux films se distinguent très facilement : Mendoza joue la carte du relativisme réaliste, et peine à traduire l’intensité des situations par des moyens narratifs convaincants, quand Rebelle mise majoritairement sur la force du point de vue.
Car tout le film est perçu à travers les yeux de son héroïne, Komona, fillette de 12 ans arrachée à ses parents par les rebelles du coin. La mise en scène de la violence s’avère être sans concessions, et reste fidèle à ce point de vue interne à l’horreur, mettant clairement en exergue à quel point l’utilisation de la haine est une des prérogatives de manipulation des jeunes par les opposants (où on les force, par exemple, à tuer leurs propres parents pour entrer dans la guérilla). Volontairement très alerte, la caméra de Kim Nguyen cherche à traduire de manière sensitive cette impression de cauchemar éveillé vécu par l’enfant. Et même si le récit est clairement balisé par une voix off où Komona s’adresse à son futur fils, le film propose une véritable immersion dans une réalité dure et brutale.
Il est toujours compliqué de parler de ce genre de film, car il est entendu qu’en tant qu’être humain l’on compatit forcément face au désastre que représentent toutes ces vies gâchées, en même temps que l’on se pose la question du bien-fondé d’une représentation des faits qui lorgne du côté du chantage à l’émotion, de la monstration sans équivoque. Mais Kim Nguyen a la bonne idée de pousser progressivement son récit vers une nouvelle dimension, et donne à voir une vision autre de l’Afrique que la simple opposition gouvernement/rebelles. C’est encore une fois la force des moyens dramatiques qui permet de s’extirper temporairement de ce bourbier, par le biais d’une histoire d’amour entre Komona et un jeune milicien nommé « Magicien », qui donne l’occasion au récit de plonger dans une matière paradoxalement légendaire et pragmatique de l’Afrique.
Car malgré sa volonté réaliste d’immersion, Rebelle montre aussi toutes les superstitions, les légendes et les rituels qui ponctuent la vie quotidienne des habitants. Komona, qui entre-temps est devenue une sorcière de guerre capable de prévoir où se trouvent les ennemis, est traversée par des visions fantomatiques qui s’intègrent tout naturellement à la réalité, comme une composante évidente de la culture locale. Cette place de l’irrationnel dans le réel offre une vision qui n’a rien d’exotique, car c’est dans ce nœud entre tiraillements dramatiques pompiers et force naturelle d’un étonnant quotidien que Rebelle trouve un fastidieux point d’équilibre.