Riparo met en scène la vie d’un couple d’Italiennes qui héberge un jeune immigrant clandestin marocain, sur fond de licenciements dans l’usine où l’une est ouvrière et l’autre fille de la patronne. Projet ambitieux porteur de thèmes complexes, Riparo propose une description recherchée des rapports de classe entre patrons et ouvriers mais s’embourbe dans un portrait grossier de son personnage central d’immigré illégal.
Avec Riparo, Marco Simon Puccioni souhaitait réaliser un film en phase avec l’histoire politique de son pays. Il s’est jeté à bras le corps dans cette entreprise en dénonçant à tout va: l’immigration clandestine, bien sûr, mais aussi les délocalisations d’usines et le rejet de l’homosexualité. Parmi tous ces sujets, c’est celui de la fracture sociale entre classe ouvrière et classe dirigeante qui bénéficie probablement du traitement le plus pertinent. Puccioni transpose la problématique dans la sphère privée et scrute l’évolution de la relation amoureuse entre Anna, la fille de la propriétaire de l’usine, et Mara, l’ouvrière. Les motivations, les comportements et les attentes des deux femmes sont marqués par leur origine sociale, et finissent par créer un décalage dans leur couple. Riparo parvient ainsi à faire poindre l’incompatibilité de ces deux mondes de manière originale, bien aidé en cela par la performance de son duo d’actrices (Maria de Medeiros et Antonia Liskova).
Mais si le film se sort honorablement de la question sociale, son traitement du thème de l’immigration le plombe sérieusement. Les différences culturelles entre les deux Italiennes et le jeune Marocain (Anis) y sont présentées de manière extrêmement caricaturale. Anis semble plus être un outil scénaristique pour étudier la crise de son couple d’hôtes qu’un personnage à part entière. Pour les besoins du récit, il est tour à tour un « bon sauvage », un philosophe de bas étage, un petit truand, un amoureux transi, une victime au passé traumatique ou encore un travailleur appliqué. Il va sans dire que la juxtaposition de ces diverses facettes échoue à dessiner un personnage convaincant, et que le portrait d’Anis est finalement très maladroit, incarné de surcroît par un acteur intermittent qui a une fâcheuse tendance à sur-jouer.
Le cheminement de ces trois personnages trouve un écho cinématographique intéressant dans le traitement de leurs déplacements quotidiens. Domicile, usine. Usine, centre Commercial. Centre commercial, domicile. Chaque trajet est longuement montré à l’écran, dans toute sa banalité. On contourne à de nombreuses reprises une sculpture géante en forme de chaise, qui trône au milieu d’un rond point, immuable, inamovible, alors que chacun cherche sa voie et que l’évolution de la situation des personnages dans le récit est symbolisée par le changement de leur mode de transport. Mara passe ainsi du 4×4 au scooter au fur et à mesure qu’elle s’éloigne d’Anna et se rapproche d’Anis, qui va lui quitter son bus pour le scooter ou la voiture « boostée » de son collègue, avant de se barrer toute perspective en s’attaquant à la Mercedes du directeur (Vitaliano Trevisan, second rôle lumineux) – hors d’atteinte pour un simple clandestin. Au bout du compte, on se souviendra d’un film qui ne parvient pas à tirer profit de son concept initial pourtant prometteur, handicapé par son scénario mal ficelé qui prend le pas sur ses personnages.