La véritable histoire est bien connue : c’est celle d’idées, d’intentions, de concepts qui enflamment vaguement l’imagination mais ne dépasseront jamais le stade du papier glacé du dossier de presse, parce qu’ils n’ont, au fond, été conçus que comme des arguments de marketing, à l’instar de l’accroche sur l’affiche (« La lâcheté a enfin un nom !»). La parodie, ici, n’est pas neuve, mais se veut prometteuse : faire de Robin des Bois un sinistre crevard sans foi ni loi qui vole les pauvres parce que voler les riches est trop dangereux, de Marianne un laideron, de Petit Jean un chef de bande à l’haleine de chacal, du shérif de Nottingham un… On pourrait faire l’inventaire de toutes les idées rigolotes qu’ont eues Max Boublil, coscénariste et acteur principal, et son copain réalisateur Anthony Marciano. La liste n’est pas si longue, mais elle est surtout inutile : jamais cette panoplie parodique ne donnera forme à quoi que ce soit à l’écran, malgré toutes les gesticulations qu’on y verra.
Robin des Bois, la véritable histoire n’est rien d’autre qu’une émanation costumée du triste tout-venant du comique télévisuel français : les gags — en majorité un débit de vannes, Boublil n’étant apparemment pas décidé à muer ses tics de stand-up français en vrai talent comique — ne servent pas la parodie, mais lui font barrage en n’existant que pour eux-mêmes. Et il faut voir avec quel désespoir la machine à faire rire racle les fonds de tiroir de l’humour, tâchant de boucher le moindre temps mort, au mépris de toute pensée comique cohérente : ainsi certains gags seront-ils répétés une fois, comme pour amorcer un running-gag, mais abandonnés juste après… Du coup, les gags, on ne voit qu’eux, leur profusion, leurs efforts pour nous arracher un éclat de rire assez vite pour nous empêcher de réaliser qu’ils vont du consternant (ici on vanne encore sur les fautes de français…) au franchement embarrassant (les piques envers les minorités prenant ici un tour bien mesquin).
Les Seigneurs de Sherwood
Si Robin des Bois est ici une racaille à la petite semaine, l’arnaque primordiale se trouve dans le titre du film : le mot « véritable ». Car rien n’est vrai ici, rien ne s’incarne, ni les personnages, ni la lâcheté vantée sur l’affiche, ni même le film (entre mise en scène absolument informe et acteurs à la dérive des tics télévisuels), encore moins la pseudo-impertinence agressivement brandie (sous le prétexte des personnages affreux, sales et méchants) qui ne subvertit rien, n’étant en réalité que le symptôme d’une norme comique arrogante et antipathique. Bien sûr, cette absence totale de substance peut difficilement passer pour un accident. En coupant systématiquement court à toute velléité de mise en place (d’un personnage, d’une situation, d’une intrigue, de n’importe quoi), il s’agit de maintenir l’emprise sur le spectateur en le gardant dans un état de régression calculée et autoritaire. Ne pas se fier à ces faux airs de Kaamelott trash : tandis que le sens de l’absurde de la bande à Astier a su formuler, pourtant au sein de la même télévision, un petit monde abstrait, habité et ouvert, Boublil et ses comparses n’invitent qu’à se recroqueviller avec eux sur un néant fait de bêtise crasse et auto-satisfaite, celle qu’on flatte pour faire rire sans qu’elle soit drôle. Un sous-titre lui sera tout trouvé : Les Seigneurs de Sherwood — peu de chose à voir avec des braqueurs justiciers, mais bien plus avec une autre purge signée Olivier Dahan.