Difficile de rester indifférent à cette incursion, bien trop rare, du cinéma kazakh sur le sol français. La réalisatrice a, pour ce faire, choisi un sujet difficile – l’organisation de matchs de boxe amateurs par la mafia locale – et en tire un film en demi-teinte, qui tire essentiellement sa force du jeu quasi animal du jeune acteur, Olzhas Nusupbaev.
Le jeune Shizo a hérité de ce surnom parce qu’il souffre, à en croire l’étrange médecin du village pas psychiatre pour un sou, de schizophrénie. Sa mère, soucieuse de le guérir dans les plus brefs délais, verse ses maigres économies dans des traitements de fortune auxquels le garçon se soumet sans aucune résistance. Exclu du système scolaire, il accepte par la suite de travailler avec son « beau-père » dans l’organisation de matchs de boxe illégaux pour la mafia locale. Indifférent au sort de ces désespérés prêts à risquer leur vie pour un peu d’argent, Shizo ne va cependant pas rester insensible au sort d’un homme condamné qui le charge de remettre un maigre butin à sa femme et à son enfant. De là, l’adolescent va vivre ses premiers émois, et apprendre à affirmer une identité incompatible avec ses objectifs initiaux.
La réalisatrice, dont c’est ici le premier film, fait preuve d’un certain savoir-faire pour montrer l’interdépendance entre pauvreté chronique et violence mafieuse dans une région du monde méconnue, encore traumatisée par la chute brutale de l’Union Soviétique. Elle suit, avec une rare disponibilité, le parcours d’un adolescent incapable de se conformer à la norme et qui, derrière un silence presque mutique, cache une certaine soif d’absolu, que rien ni personne ne doit pouvoir contrarier. La présence du jeune acteur, repéré sur le lieu du tournage par la réalisatrice elle-même, donne à Shizo un intérêt substantiel. Peut-être mal à l’aise dans ce milieu exclusivement dirigé par des hommes, la réalisatrice n’a pas su faire preuve d’audace réelle dans le traitement formel de son sujet. La mise en scène – dont les moyens sont évidemment limités – ne fait pas vraiment preuve d’inventivité, offrant malgré tout de temps à autre de beaux panoramiques sur les paysages désertiques d’un Kazakhstan presque déshumanisé.
L’histoire, plus sombre qu’il n’y paraît, aurait mérité une approche plus âpre, dépourvue de toute concession ; mais pour cela, il aurait fallu que la jeune cinéaste sache clairement où elle souhaitait mener son projet, hésitant trop régulièrement entre les codes de la comédie grotesque (la jeune fiancée frappant Shizo lorsqu’il lui révèle d’un ton désinvolte que son petit ami est mort) et ceux de la chronique familiale, plus grave. Le scénario, trop convenu, est agrémenté de dialogues assez simplistes qui rendent difficilement compte de l’ambiguïté des rapports humains, limitant chaque personnage au rôle qui lui était de toute manière conféré dans la mécanique du film. Que ce soit la mère, son petit ami, le vieil oncle ou la mafia locale, chacun se borne à ne pas dépasser les limites qui lui sont imposées, engluant progressivement Shizo dans le prévisible et l’inconsistance, ce qu’aurait dû nous épargner le choix d’un tel sujet.