Sous les bombes constitue une expérience intéressante de mélange de genres : prenant pour cadre la guerre au Liban de l’été 2006, le film reprend à la fois les fondements du reportage en zone de conflit et ceux de la fiction. Si la démarche n’est pas dénuée d’originalité, le résultat final est en demi-teinte.
Sous les bombes… de la guerre au Liban de l’été 2006, l’absurde guerre entre le Hezbollah et Israël. Des images d’un pays ravagé par une histoire complexe, tragique, qui tend à se répéter, ont tourné en boucle sur toutes les télévisions du monde. Des reportages bruts, violents, le choc de voir les populations civiles prises sous le feu des attaques. Cet angle de vue, le reportage, a été le point de départ du projet de Philippe Aractingi. Le réalisateur, auteur de nombreux reportages et documentaires, s’est emparé des caractéristiques d’une image quasi télévisuelle : caméra portée, cadre parfois guidé par le hasard des événements se déroulant sous ses yeux, montage heurté, rythme rapide. Un point de vue qui ne doit rien au hasard, mais à la volonté d’Aractingi, Franco-Libanais, de s’emparer directement de ce conflit comme pour conjurer une malédiction.
L’urgence du témoignage se ressent dans l’organisation dans l’urgence du tournage, précisément peu organisé : la première partie s’est d’abord déroulée littéralement sous les bombes, avant de se poursuivre trois jours après le cessez-le-feu, à l’arrivée des troupes de la Finul. Journalistes en plein direct, civils enterrant leurs morts, villes dévastées et bombardements montrés en plan large, tous ces éléments comme volés à l’histoire immédiate donnent une force au film : celle d’une matière brute, donnée à voir pour elle-même, mais sans scénario véritablement élaboré. D’elle seule, la guerre est suffisamment violente pour que ces images éprouvent les sens ; le genre a ses limites et n’en fait pas un film de cinéma.
Philippe Aractingi (auteur, en 2005, de Bosta, grand succès musical au Liban et dans le monde arabe), l’a bien compris. À son dispositif filmique emprunté au journalisme s’ajoute donc une histoire fictionnelle. Celle-ci, très simple, se limite à une finalité très claire : poser un regard sur les conséquences de la guerre pour les civils. Sous l’apparence d’un road-movie, le réalisateur met en scène l’épopée de Zeina, Libanaise exilée, de retour après le cessez-le-feu, à la recherche de son petit garçon resté au pays. Elle s’embarque dans le taxi de Tony, le seul à accepter de la conduire dans le sud. De centres de réfugiés en villages détruits, les deux compagnons d’infortune s’apprivoisent petit à petit. Malheureusement, leur histoire reste à l’état de prétexte pour parcourir le pays et montrer les désastres de la guerre. Si le réalisateur maintient un certain suspense, jusqu’à la scène finale, dans la quête de l’enfant, les personnages ne sont jamais suffisamment développés pour qu’on décolle de l’aspect journalistique du film. Les différentes confessions des Libanais, leurs sensibilités politiques, leurs relations avec le voisin israélien ne sont qu’effleurées, alors qu’elles auraient permis de faire décoller le film.
L’histoire de Zeina est certes touchante, mais elle est desservie par un rythme souvent trop lent et un ensemble un peu trop long. Finalement, on a l’impression de rentrer et de sortir sans cesse de l’histoire. Un défaut accentué par une quasi absence de mise en scène, remplacée par une sorte de « balade » sur les routes du Liban d’après-guerre. On ne peut enlever à Philippe Aractingi ni la spontanéité d’un Libanais meurtri par la répétition de l’histoire, ni l’originalité de sa démarche. Un parti pris qui a séduit Hervé Chabalier, patron de Capa, référence journalistique, qui a produit le film. Un parti pris qui livre un film touchant, mais brouillon et inachevé.