« From the Book of Saw » précise le titre anglais de Spirale, pour bien marquer sa filiation avec la franchise horrifique lancée en 2004 par James Wan. À l’époque, Saw s’inspirait lointainement de Seven pour mieux bifurquer vers l’horreur, et popularisait au passage le sous-genre du torture porn. Une flopée de suites plus tard, Spirale opère, dans une logique justement circulaire qui invite à une infinité de révolutions, autant un retour aux origines qu’un renversement du parti-pris fondateur de la franchise : désormais, c’est une enquête policière qui vient s’insérer dans le cadre bien familier de Saw et du spectacle de ses pièges. Mais plutôt qu’une modernisation – comme le laissaient présager les premiers visuels du film, beaucoup plus colorés que les décors crus et glauques des précédents volets –, c’est un bond en arrière que nous invite à faire le récit, pour retrouver le parfum fort désuet des petits thrillers à twists du milieu des années 1990 et des années 2000. « From the Book ? » Non, plutôt « by the book » : le spectateur, en terrain trop connu, voit toutes les ficelles du marionnettiste, qui reste supposément dans l’ombre, mais dont l’identité est facile à deviner. Il n’y a pas un plan, pas un indice qui échappe à son œil entraîné par une quinzaine d’années de revirements narratifs et de scénarios à tiroirs. Si bien qu’au moment d’arriver au twist et de révéler le visage du serial killer, c’est une étrange scène-bingo que déplie le film : en lieu d’être surpris, on se retrouve plutôt à cocher les cases (et cet indice-là, vous l’aviez repéré ?) d’un montage compilant toutes les scènes qui permettaient de découvrir le pot aux roses.
Plus surprenant, ce maigre jeu narratif est peu ou prou la seule chose que propose le film, qui décide d’enjamber la plupart des scènes de « pièges » caractéristiques de la saga, dont la logique binaire (exemple : préférez-vous vous arracher un œil ou mourir dans deux minutes ?) n’a pas changé en quinze ans. Darren Lynn Bousman, vieux routier de la franchise (il a réalisé trois épisodes de Saw) et metteur en scène sans aucun talent, s’en tient à un programme balisé. On se demande dès lors ce qui a motivé la mise sur pied de ce spin-off, jusqu’à ce que l’on apprenne que Chris Rock, qui tient le rôle principal, est à l’initiative du projet. Tout s’explique alors sur le niveau de son jeu, aberrant, vraiment : en roue libre, l’acteur fronce les sourcils, contracte la mâchoire, écarquille grand les yeux, débite ses répliques à contretemps, joue constamment faux. Il est, et l’exploit n’est pas mince, le point faible d’un film qui n’a pourtant aucune qualité.