Pascal Plisson met à profit son expérience de voyageur documentariste pour filmer des écoliers qui, en Argentine, au Kenya, en Inde, parcourent quotidiennement d’impressionnants et difficiles chemins pour se rendre à l’école. Cela donne un film à l’universalisme sympathique, un peu lisse, mais bien mené et moralement plutôt rigoureux.
Il serait compréhensible de se méfier a priori d’un film affichant peut-être un peu complaisamment ses bonnes intentions et l’universalité de sa leçon. Les mines de bambins, qui plus est des quatre coins du monde, sont propices à une sympathie facile et vague. À la vue de l’affiche ou à la lecture du synopsis, on imagine déjà tout un attirail de séduction, la terre vue du ciel et les yeux d’un enfant. Et l’invocation de l’« histoire vraie », de l’extraordinaire et de l’enfant héros ne sont pas pour rassurer. Tous les ingrédients paraissaient réunis pour que Sur le chemin de l’école tombât dans la leçon d’humanité à trois sous, le misérabilisme ou la xénophilie béate – un cinéma de tourisme équitable.
Aussi le plaisir est-il grand de constater le soin avec lequel Pascal Plisson, évite – presque – tous ces écueils. L’exigence documentaire persiste toujours malgré l’intention édifiante, d’ailleurs légitime et assumée. Mis à part une malheureuse séquence (la mise en scène de l’attaque des éléphants), à cause de laquelle on doute parfois de l’authenticité des événements, il n’est pas demandé aux enfants de jouer un rôle ou de produire un discours. Il s’agit simplement de les suivre, au sens strict, sur le chemin de l’école. Celui-ci, quotidien ou hebdomadaire, est long, difficile, superbe aussi – de quoi se laisser aller au plaisir bien compréhensible de gonfler un peu l’équipe, de chercher le panorama, et de forcer un peu sur les changements d’échelle. Le passé de documentariste animalier et « ethnique » reprend alors le dessus.
Cette somptueuse géographie, à la contemplation de laquelle on se laisser aller bien volontiers, ne détourne pas de l’objet premier. Les enfants ne sont pas traités comme des prétextes ou des variables interchangeables, mais des hommes en situation, inscrits dans un contexte familial et culturel spécifique. Pascal Plisson prend ainsi soin de dresser, en quelques plans, un portrait culturel minimal – la manière dont on mange, la langue que l’on parle, les dieux que l’on prie.
C’est toutefois vers un universel qu’il regarde, c’est du moins un universel qu’il postule : la valeur émancipatrice de l’instruction. Et il peut arguer pour cela de la résolution de ces enfants et de leur confiance apparemment sans faille en l’institution scolaire. La leçon est certes un peu convenue, mais elle est assez puissamment incarnée, et c’est évidemment là la force de Sur le chemin de l’école. Cette réussite manifeste l’efficacité d’un travail préparatoire sans doute long et difficile : gagner la confiance des familles et des enfants.
Le film aurait gagné en épaisseur à s’interroger un peu sur les inévitables conflits impliqués par cette valorisation de l’école. Les espoirs et projets des enfants impliquent parfois une rupture avec les modes de vies d’avant l’école, ceux des parents – modes de vie que nous sommes portant invités à admirer… Malgré l’effort de contextualisation, les portraits, aussi réussis soient-ils, pourront passer pour gentiment édifiants et excessivement individuels. Il y a évidemment, dans tout cela, bien peu de politique. Il est néanmoins permis de croire en la valeur éthique et pédagogique de l’exemplarité individuelle – c’est l’approche de Pascal Plisson, et elle donne sa cohérence et sa justesse de ton à Sur le chemin de l’école.