Second film de Jennifer Lynch et présenté hors compétition cette année à Cannes, Surveillance est construit autour de différents points de vue subjectifs donnés sur un même événement. Suite au meurtre d’une famille par des serial killers, deux agents du FBI (Bill Pullman et Julia Ormond) interrogent les trois témoins rescapés, un policier, une junkie et une fillette. L’intrigue, banale et avançant laborieusement, ennuie. Le reste agresse : effets de mise en scène, jeu outrancier des acteurs, dialogues et bande son oppressants… ne semblent au service de rien, leur gratuité donnant l’impression qu’on nous inflige vainement un spectacle déplaisant.
Dès les premiers plans, le père Lynch (ici producteur exécutif) est présent : scène de carnage entr’aperçue comme dans un cauchemar, effets sonores angoissants, caméra en apesanteur… Si ces procédés agacent, c’est qu’on a rapidement l’impression qu’ils comblent un vide, celui des personnages et celui du récit. L’alternance des scènes d’interrogatoires au présent et des flash-backs revenant sur les circonstances du meurtre est fastidieuse, les fausses pistes, faisant pressentir des tensions qui ne mènent nulle part, irritent, on ne comprend pas où l’on va. Et raconter, à la Rashomon, comment chaque individu a sur un même événement un point de vue partial et partiel, n’est pas suffisamment révolutionnaire pour retenir l’intérêt. Si l’intrigue ennuie, on ne s’évade hélas pas du film pour autant, tant personnages et bande son imposent leur présence agressive.
Les êtres sont tous d’une telle laideur que l’on n’a pas envie de les voir. Idiots, violents, obsédés, sadiques, provocateurs… ils ne sont que grimaces, cynisme, ricanements et hurlements. Déplaisant, leur comportement est aussi simpliste, rien ne donne envie d’être attentif à eux. Contempler la laideur humaine est supportable quand elle n’est pas dépourvue de complexité, ici l’excès de présence des personnages semble cacher leur vacuité de fond. On est à la rigueur davantage frappé par la calme et blonde fillette rescapée du massacre, qui pourrait bien être aussi haineuse et malsaine que les autres mais demeure assez opaque.
Un coup de théâtre, le temps d’un plan assez réussi, réveille l’intérêt. Et si le récit recommence à stagner, la folie des meurtriers prend une certaine ampleur : révélant la dimension artistique de l’acte criminel, ils s’érigent en metteurs en scène de spectacles macabres, ou posent un acte romantique en accordant leur clémence à qui les a démasqués. On s’interroge enfin autant sur la pertinence du titre, le dispositif de filmage des interrogatoires ne donnant lieu à aucun développement, que sur l’intérêt de ce film-là, dont on ressort avec une grande envie de beauté.