Un été à Changsha, premier long-métrage du réalisateur chinois Zu Feng, débute comme un polar urbain convenu, avec son traditionnel inspecteur neurasthénique et une intrigue à tiroirs à la lisière du fantastique. De ce canevas détone cependant l’attention portée par le réalisateur au travail besogneux de l’enquêteur, que l’on voit autant sur le terrain que chez lui, devant son ordinateur, où il passe des heures à regarder des images de vidéosurveillance ou à consulter des dossiers. De façon plus surprenante encore, l’enquête est résolue à la moitié du film, et la seconde partie, plus aventureuse, permet de tisser d’autres fils. L’intrigue y tourne alors autour de la recherche de la tête de la victime, auparavant coulée dans un bloc de béton puis jetée aux ordures par le meurtrier. Ce graal macabre donne lieu à des scènes intrigantes dans lesquelles l’inspecteur et la sœur de la victime sillonnent les décharges, centres de tris et incinérateurs, mais se heurtent à la rapidité du traitement des déchets et à la modernisation du système chinois de destruction des ordures (les anciennes décharges ayant laissé la place à des centrales plus écologiques et plus efficaces). La tête introuvable devient l’image manquante d’une Chine nouvelle peuplée de classes moyennes occidentalisées, dont la ville provinciale de Changsha s’avère la métonymie.
On comprend que l’inspecteur et la sœur de la victime incarnent eux-mêmes le rebut d’une société hygiéniste, prompte à se délester de ses détritus. L’hôpital est ainsi l’un des lieux au centre du film, le duo gravitant autour en permanence (la femme y travaille et l’homme y est soigné à maintes reprises). Le choix qu’ils sont tenus de faire l’un comme l’autre consiste à en accepter la logique. Il s’agit, pour elle, d’épouser son confrère et de garder son poste ; et, pour lui, de poursuivre un traitement qui l’empêche de faire face à son traumatisme. À défaut de choisir, le couple sera aussi tenté par l’idée de s’en libérer coûte que coûte, la mort incarnant un temps la seule échappatoire possible.