En plein été, une enfant de dix ans est livrée à elle-même pendant quelques jours alors que sa famille est partie à l’autre bout du monde. Cet événement devient une épreuve initiatique et permet à la jeune fille de quitter le monde de l’enfance pour rejoindre l’autre – pas moins tourmenté – de l’adolescence. Pour son premier film, le réalisateur Fredrik Edfeldt joue d’un thème rebattu au cinéma et livre un propos en demi-teinte : s’il enveloppe son personnage principal d’une vague aura d’opacité, il révèle l’artificialité du concept dans l’échec de la confrontation enfants/adultes.
Les films suédois solaires sont rares. Et pour cause, on n’est pas certain qu’il y en ait eu d’autres depuis le début des années 1950 et les magnifiques Jeux d’été et Monika d’Ingmar Bergman, dont les thématiques portaient déjà sur l’apprentissage et l’initiation au monde adulte. De manière générale, il faut dire qu’on ne rapproche pas nécessairement le pays nordique à de possibles errements estivaux où les incontournables ingrédients (chaleur, alourdissement des corps, lumière aveuglante) amènent les personnages à se découvrir sous un jour nouveau. Avec Un été suédois, Fredrik Edfeldt, qui signe ici son premier long-métrage, semble donner à son film une couleur particulière, même si l’articulation du thème autour de la saison estivale n’a vraiment rien d’original dans le cinéma français (L’Effrontée), anglais (My Summer of Love) ou encore espagnol (Lucia y el Sexo). Alors, à la différence des exemples précités, le réalisateur va concentrer son attention sur un personnage plus jeune, tout juste à la lisière de l’adolescence, âge confus et incertain qui soulève moins souvent l’enthousiasme des producteurs.
Mais plutôt que de nous ressortir l’éternelle recette de l’enfant plus mature que son âge (voire plus lucide que les adultes) dont un certain cinéma indépendant américain semble se gargariser depuis plusieurs années, Edfeldt fait le choix de l’opacité. De cette enfant qui se retrouve seule pendant quelques jours dans la maison familiale alors que la parenthèse estivale n’est synonyme que d’ennui et de flottement temporel, on ne saura finalement pas grand-chose, même pas son prénom. Peu bavarde, pas très expressive, submergée par une certaine stupeur depuis que sa famille est partie sans elle à l’autre bout du monde, elle semble avoir battu en retraite. Autour d’elle, les autres s’agitent : la tante excentrique et immature pourtant chargée de la surveiller, l’ami de la famille vaguement lubrique sauf avec sa femme, la mauvaise copine boulotte et complexée, la cousine pimbêche et, enfin, l’alter ego masculin de 10 ans, seul capable de comprendre pourquoi on peut, à cet âge-là, s’absenter temporairement de soi-même.
Les schémas relationnels ont tous quelque chose de déjà-vu et c’est bien là la principale limite du film. Pour l’enfant, les adultes restent une terre absolument inconnue mais pas fascinante pour un sou. Chacun surnage dans sa médiocrité quotidienne, bousculé de temps à autre par l’insoutenable ingratitude que le corps adolescent leur renvoie (voir la scène où, face au public, la fille rondelette interprète en sous-vêtements rouges une chanson d’ABBA sous le regard gêné de sa mère). Et pour donner un parfum d’authenticité à cette auscultation vaguement psychologisante, le réalisateur adopte des partis-pris de mise en scène peu convaincants : caméra numérique tremblante, décadrages contrôlés, lumière vaguement passée. Tout cela ne fait que renforcer la désagréable impression d’une artificialité qui ne fait jamais vraiment sens dans la mesure où on décèle l’intention contradictoire du « faire vrai ». Malgré tout, le film a ses quelques moments de grâce, notamment dans les creux du scénario où le réalisateur fait le choix de la suspension temporelle ou lorsqu’il ne cherche pas à donner une justification psychologique au mutisme de son héroïne. Mais ces instants, bien trop rares et parfois aussitôt contredits, ne permettent pas à Un été suédois de se départir de sa volonté signifiante et de sa lourdeur symbolique (voir la dernière scène) qui le prive de toute ampleur.