Difficile de chiffrer le nombre de fictions et de documentaires consacrés au terrible sort du peuple juif durant la Seconde Guerre mondiale. Watermarks fait partie intégrante de ce flou, jouant principalement la carte de l’émotion, occultant pour le reste tout enjeu esthétique.
Un film sans intérêt est-il un film inutile? Cette question un peu tordue germe dans notre esprit après la projection de Watermarks. Centré sur le destin de plusieurs championnes de natation autrichiennes et juives parties vivre sous d’autres cieux après l’arrivée d’Hitler, le projet de Yaron Zilberman est clair: poursuivre comme bon nombre d’autres cinéastes un travail réflexif sur la souffrance et le déracinement du peuple juif durant la Seconde Guerre mondiale.
Louable objectif qu’on serait bien en peine de contester si le film n’était pas aussi paresseux. La question juive, celle du génocide puis par expansion celle des camps de concentration, a passionné grand nombre de cinéastes qui ont tour à tour proposé des documentaires fleuves désormais incontournables (Shoah, Nuit et brouillard), des œuvres de fiction pédagogiques destinées au grand public (La Liste de Schindler, Le Pianiste) ou encore des films plus confidentiels attachés à retranscrire le douloureux parcours de quelques anonymes (Voyages). Handicapé par ce lourd passé cinématographique (pourtant concentré sur une petite trentaine d’années), Watermarks est un peu partout et nulle part à la fois pour finalement révéler la relative vacuité de son propos. Paresseusement, la « mise en scène » de Yaron Zilberman alterne images d’archive (parfois longuettes) et plans fixes sur ces nageuses venues parler de leur périple, quelque soixante-dix ans plus tard. Autant dire que ce film aurait eu davantage sa place dans une soirée Théma sur Arte – et encore, pas la meilleure – que dans les salles obscures.
Alors, pourquoi le sortir sur les écrans? Pour deux raisons: la première est que Watermarks a reçu le prix du public au Festival de Paris en juillet dernier ce qui n’est pas sans rassurer les distributeurs sur le potentiel commercial de ce reportage télé. La seconde raison est, quant à elle, plus polémique: on assiste aujourd’hui à une espèce de consensus qui voudrait que l’on résume essentiellement le devoir de mémoire à la question juive. Une telle abondance de films consacrés à cette communauté irréversiblement liée à un pan atroce de l’Histoire risque d’en faire perdre le caractère exceptionnel pour le noyer dans une masse d’anecdotes plutôt assommantes. L’échec du film, son déni du montage et de la mise en scène, sont autant de preuves d’un trop-plein dont il faut envisager les dangers à venir. Watermarks rappelle bien malgré lui la nécessité de reposer des enjeux éthiques et cinématographiques dans le traitement de la Shoah.