Première réalisation pour le cinéma du comédien Christophe Malavoy, Zone libre suit la destinée d’une famille juive qui trouve refuge chez un paysan charentais, en 1942. Période, sujet, personnages, tout a déjà été traité, mais rarement de cette manière et avec une telle authenticité. Là où on s’attend à un film sur la Seconde Guerre mondiale déjà vu mille fois, le souci de réalisme et la sincérité qui ont présidé au projet en font un film vraiment attachant. On n’en dira pas autant de la mise en scène et de certains effets superflus. Les amateurs d’originalité cinématographique passeront leur chemin. Les adeptes de belles histoires bien racontées apprécieront Zone libre.
Adapté d’une pièce de Jean-Claude Grumberg, Zone libre respire l’authenticité par tous ses pores. C’est d’ailleurs ce qui fait le principal attrait du film. Simon, sa femme Léa, sa belle-sœur Mauricette, sa belle-mère Madame Schwartz et son neveu de onze ans Henri débarquent un jour dans la vie de Maury, un paysan au grand cœur qui les loge et les cache. Non loin de là, la menace de la guerre gronde. En zone libre, Simon et sa famille doivent réorganiser leur vie, eux qui ont quitté la ville pour la campagne. Les premières minutes du film sont assez déroutantes. Les décors sont en effet d’une telle véracité qu’on a l’impression de pénétrer avec les personnages dans des lieux qui ont été conservés intacts depuis les années quarante. À l’opposé d’un film comme Oliver Twist de Polanski, où la saleté était trop belle pour être vraie, Zone libre ne cherche pas à esthétiser la poussière, à améliorer un intérieur qui ne devait pas être plus douillet il y a soixante ans. Malavoy force le trait et installe d’emblée son film dans un réalisme qui déconcerte d’abord puis auquel on s’habitue.
Le film doit aussi beaucoup aux acteurs qui, de Lionel Abelanski à Olga Grumberg, en passant par Tsilla Chelton ou encore Mathilde Seigner, donnent vie à leur personnage de manière tout à fait naturelle et font de leur histoire un récit émouvant. Une mention spéciale doit également être décernée à Jean-Paul Roussillon, l’interprète de Maury le paysan. Sa bonhomie, sa simplicité renforcent encore l’impression de réalisme. Quand on le regarde, on voit véritablement ce paysan généreux qui offre son aide à la famille juive qui lui a accordé toute sa confiance.
Véritable chronique rurale plus que film sur la guerre, Zone libre propose un récit où la guerre est finalement étrangement présente. Ce qui traverse tout le film, c’est la peur d’être pris, découvert, d’être séparé et même de mourir. À peine aperçoit-on quelques soldats qui nous rappellent que le danger est proche. Mais la guerre est extérieure au film, elle reste à ses portes pour laisser la place à la vie quotidienne de la famille de Simon. Malavoy se demande principalement comment s’organise la vie quand on se cache, qu’on n’est pas chez soi et qu’une menace plane toujours au-dessus de nos têtes. Ainsi, la petite famille se réorganise, la soupe est préparée, les vêtements sont repassés, les chemises sont cousues. Léa et Mauricette, les deux femmes de la famille, refusent d’ailleurs de vivre en suspens, d’attendre sagement la fin de la guerre. Si elles cousent des chemises, c’est pour se faire un peu d’argent, mais aussi pour garder une activité au sein de la société, aussi dangereux que cet acte puisse être. À ce titre, le film apparaît presque comme un témoignage de la vie à cette époque, dans toute sa réalité.
En dépit de toutes ces qualités, Zone libre pèche par une mise en scène trop illustrative et pas assez audacieuse. Quelques touches d’humour viennent parfois l’égayer, mais elle demeure globalement trop sage. Quant aux quelques effets de ralenti qui viennent rompre sa monotonie, ils s’avèrent inutiles. Si proposition cinématographique il y a dans Zone libre, elle est à chercher du côté de l’authenticité qui imprègne les décors, les dialogues et les situations. Cela peut paraître évident ou anodin, mais c’est finalement assez rare pour être remarqué.