Trois mois, au jour près, séparent la sortie de Dreamscape en août 1984 de celle des Griffes de la nuit, en novembre. La convergence thématique peut paraître étrange : fuite hors des sentiers métalliques des années yuppies post-punk, ou simple plagiat d’un film sur l’autre ? En tout cas, la coïncidence intrigue, mais la comparaison prend bien vite fin. Là où Wes Craven donnait corps à une mauvaise conscience américainee emprunte de deuxième amendement, Joseph Ruben s’engage sur la voie de la série B pop-corn – c’est Dennis Quaid qui le dit lui-même, au cours de l’interview à la légèreté de ton étonnante proposée par cette édition –, en la mâtinant de film parano des années 1970.
Furieux
Il n’est certes pas le premier à tenter cette alchimie : De Palma par exemple, en 1978, s’y attelait avec un Furie très proche. Pour Ruben, il s’agit de raconter l’histoire d’un jeune médium aux capacités formidables (prévision du futur, télépathie, contrôle mental…) qui va jouer un rôle central dans un complot occulte destiné à précipiter la guerre nucléaire. La spécificité de Dreamscape tient à la forte influence de la série B, qui réclame son lot de scènes iconiques, et d’effets spéciaux impressionnants – une nécessité propre aux années 1980. En conséquence, l’ingrédient parano est dilué, ravalé au rang de cadre narratif, et l’ampleur politique du film est réduite d’autant. Pourtant, considéré par le prisme de la série B, le film profite de cette dimension politique – d’autant plus que les séquences à effets ont fort bien supporté le passage du temps.
Pas une ride
Alors qu’on aurait pu croire que le traitement Blu-Ray desservirait le film, révélant les insuffisances de séquences oniriques en fond vert, cette édition permet au contraire d’apprécier à sa juste valeur le travail de Joseph Ruben et de son équipe (particulièrement le chef op’ Brian Tufano et les directeurs artistiques Clifford Searcy et Jeff Staggs) autour de ces passages. Dépourvues de logique, de continuité, les séquences oniriques semblent se nourrir des difficultés formelles à montrer les choses pour créer une ambiance, comme le fit également Les Griffes de la nuit, dans un registre beaucoup plus oppressant. Au-delà de son homme-serpent ostensiblement conçu pour devenir culte, le film s’attache à l’exploration d’un monde de rêve qui se révèle autant dénué de logique… que de morale, offrant au film une conclusion dont l’âpreté guillerette laisse songeur. Considéré, autant par le public que par son équipe, si on en croit les propos de Dennis Quaid, comme un film pop-corn sans prétention, Dreamscape est pourtant efficace, sachant faire oublier ses – pourtant nombreux – défauts narratifs, et se révèle capable d’audaces inattendues et bienvenues.