Au début des années 1990, Hal Hartley avait acquis un statut bien particulier au sein du cinéma indépendant américain, en livrant coup sur coup quelques films brillants, reflets de leur époque, et qui, par leur ton décalé, lorgnaient aussi du côté de la Nouvelle Vague. Deux de ces films, Trust Me et Simple Men, sortent aujourd’hui en DVD sous la bannière de l’éditeur Diaphana. L’occasion de revenir sur le parcours de ce jeune cinéaste, dont l’inspiration semble s’être depuis quelque peu tarie.
Hal Hartley est originaire de Long Island, sur la côte Est des États-Unis, et c’est là que se situe l’action de ses premiers films, le réalisateur ayant choisi de filmer l’Amérique qu’il connaît, loin des canons traditionnels du cinéma américain. En effet, Hal Hartley semble définitivement plus s’inspirer de la liberté de ton des œuvres de la Nouvelle Vague française, et plus largement du cinéma européen, que des blockbusters que produit Hollywood à la chaîne.
On le découvre en France avec son deuxième long métrage, Trust Me (ça c’est pour le titre « français », le titre original étant Trust) lors du festival de Deauville, en 1991. L’année suivante, son troisième film, Simple Men, est en compétition à Cannes, tandis que son premier, The Unbelievable Truth, accède à son tour à nos écrans. Hal Hartley est alors un véritable phénomène, encensé par la critique.
L’ensemble de ses films forme un univers cohérent, dont les héros sont issus de la working class américaine, et un esprit de troupe s’en dégage : Hal Hartley a ses acteurs fétiches, qui reviennent de film en film, tels Martin Donovan, Adrienne Shelly, Robert Burke, ou encore Elina Löwensohn. Malheureusement, comme c’est souvent le cas pour les acteurs qu’on identifie à un cinéaste en particulier, la plupart d’entre eux ne feront pas une grande carrière derrière (voir le cas Kyle MacLachlan / David Lynch).
Hal Hartley est l’auteur des scénarios de ses films. À ce titre, il aime les truffer de bonnes répliques, qui sonnent toujours aussi bien aujourd’hui lorsqu’on revoit ses films. « I can’t stand the quiet ! » crie le personnage joué par Martin Donovan dans Simple Men. Mais une des plus fameuses répliques du film, « There’s no such thing as adventure. There’s no such thing as romance. There’s only trouble and desire », n’est pas de lui, mais toute droit sortie du Dr Mabuse de 1922 de Fritz Lang. L’inspiration européenne est également présente dans les situations. Il faut voir, toujours dans Simple Men, la scène de danse (au son du Kool Thing des Sonic Youth), comme un hommage direct au Bande à part de Godard. Ce qui est amusant c’est que le film de Godard de 1964 était lui-même déjà un hommage aux productions américaines, comme il le confessait à l’époque : « Je vais faire de Bande à part un petit film de série Z comme certains films américains que j’aime bien. »
Au-delà de cette scène, la musique a une grande importance dans le cinéma de Hal Hartley. Il en est lui-même l’auteur, sous le pseudonyme de Ned Rifle. Une compilation intitulée Music from the Films of Hal Hartley regroupant ses propres compositions, auxquelles venaient s’ajouter les morceaux du groupe Yo La Tengo, sortit dans la foulée au début des années 1990. Rock et cinéma indépendants formaient un seul et même univers, cohérent et attachant, et ces musiques contribuent pour beaucoup au charme qu’ont encore ces films aujourd’hui, charme auquel vient s’inviter une douce nostalgie, tant d’une certaine façon, elles les renvoient à une époque passée, pas si loin que ça de nous, mais passée.
Hal Hartley perdit peu à peu ce côté éminemment attachant. On chercha dans ses films suivants (Amateur, avec Isabelle Huppert, ou encore Henry Fool) à retrouver ce qui nous rendait son cinéma si sympathique, mais ce fut peine perdue, et le public français devint peu à peu indifférent à ses dernières productions, à tel point que son dernier film en date, The Girl from Monday, n’eut même pas l’honneur d’une sortie en salle dans l’Hexagone.
Saluons toutefois le travail de l’éditeur Diaphana, qui nous donne à revoir Trust et Simple Men, probablement les deux meilleurs films du cinéaste américain, et redonne à la France son côté « terre d’accueil » du cinéma indépendant US, Trust étant jusqu’à présent introuvable en DVD aux États-Unis.