Cette programmation dédiée à Marcel Hanoun au cinéma Saint-André-des-Arts à Paris (14 novembre-11 décembre 2012) n’était pas prévue comme post-mortem. Mais le cinéaste est décédé le 22 septembre dernier. « Je n’ai presque jamais matériellement vécu de mes créations cinématographiques. J’ai juste rêvé mes films, j’en ai été, pour la plupart, le peintre et l’écrivain. Mes œuvres n’ont jamais vécu à travers des instances, des institutions, détournées de leurs vocations culturelles, démissionnaires. » Ces mots de Marcel Hanoun dessinent les traits d’un artiste enragé, à la marge. Mais marginalité ne signifie pas isolement ; Hanoun suscite admiration (ses films fascinent Jean-Luc Godard et Jonas Mekas lorsqu’ils les découvrent) et influence – José Luis Guerín en fait à la fois un jalon et une sorte de tuteur. Marcel Hanoun a mené un dialogue passionné avec la substance et les composantes du 7e art ; ses films discutent avec eux-mêmes, de leurs fins et moyens, pendant qu’ils sont en train de se faire. Octobre à Madrid (1964) et L’Authentique Procès de Carl Emmanuel Jung (1966) explorent de façon vertigineuse la relation entre image et son, l’abstraction et la distanciation à l’œuvre ne perdent jamais de vue – surtout pas! – le sensible et le sensuel, le poétique et le politique. Cet art d’équilibriste et cette exigence artistique se situent toujours du côté du présent, du réel et de la vie, loin d’une froideur cérébrale. Il est évidemment impossible de faire entrer plus d’un demi-siècle de cinéma en quelques lignes, mais on peut citer une remarquable tétralogie des saisons : L’Été (1968) et L’Hiver (1970), Le Printemps (1970) et L’Automne (1972) ; également évoquer son compagnonnage avec des comédiens, notamment Michael Lonsdale – L’Hiver, Cela s’appelle l’amour (1989), Bruit d’amour et de guerre (1997). D’autres composantes ne cesseront d’irriguer l’existence de Marcel Hanoun, particulièrement une liberté qu’il s’agit de filmer, de penser, d’écrire – il fonde les revues Cinéthique en 1969 et Changer le cinéma en 1976 – ou tout simplement de vivre. Cette liberté réside dans les moyens, Marcel Hanoun a filmé avec tous les supports – y compris le téléphone portable (Insaisissable image, 2007). Une liberté dirigée également envers le spectateur ; en 2011, il met progressivement ses films à disposition sur YouTube. Mais, plusieurs d’entre eux sont donc actuellement au Saint-André des Arts, c’est évidemment dans le noir de la salle et en présence de l’écran que l’on peut le mieux rencontrer le cinéma de Marcel Hanoun.