Organisé par le Collectif Jeune Cinéma, la 9e édition du Festival des cinémas différents s’est tenue à Paris du 4 au 9 décembre dernier, hébergée conjointement par L’Archipel et Mains d’Œuvre. Si les courts et longs métrages sélectionnés ne concourent à aucune compétition, ils n’en témoignent pas moins d’une réelle exigence de programmation. Au fil des jours et des diverses sections du festival – privilégiant le format court expérimental et parcouru par le fil rouge du portrait –, l’esprit de cette nouvelle édition se dessinait progressivement : entre rigueur et générosité, anticonformisme et créativité, poésie et combativité. Définitivement décalé. Et s’il s’agissait de « donner à voir et à entendre des propositions non pas consensuelles, mais personnelles, enthousiastes, minoritaires, engagés et cruciales », le pari est tenu ; ceci, en toute humilité et convivialité.
Cette année, le festival des cinémas différents avait choisi le thème du portrait comme fil rouge pour ses programmes de courts métrages. Décliné en quatre thématiques, le portrait se dévoilait ainsi sous plusieurs visages : géographique (« Paysages, états d’âme »), féminin (« Riot Girls »), humain (« Incarnations ») et corporel (« Corps animés »). Si la nature conserve en elle les traces des rêves et la mémoire (parfois défaillante) des hommes, le film d’ouverture du festival, Le Granier, dernier court d’Olivier Fouchard, scrutait patiemment la montagne du Granier traversée par une pléiade de variations météorologiques et chromatiques. Poétique, le film questionnait la mince ligne séparant le cataclysme de l’apocalypse. Présenté également en programme d’ouverture, le film de Carlos Adriano, Dàs Ruínas de Rexistència, inscrivait dans le paysage urbain filmé une mélancolie idem à celle qui vous assaille à la fin de certains voyages. À plusieurs reprises, l’écran se divise, les images et les sons s’associent avec poésie, comme une incantation pour raviver cette mémoire des lieux vus, traversés, parfois déjà disparus. S’il s’agit également de remonter le fils du temps lorsque la généalogie humaine est en jeu, Alexandre Larose nous proposait avec humour et sans prétention un portrait de famille en Super‑8 noir et blanc assez drolatique : Le Corps humain.
Ce jeune réalisateur n’était d’ailleurs pas le seul cinéaste canadien invité par le festival : Richard Kerr et Solomon Nagler, deux figures importantes de la scène expérimentale canadienne étaient à l’honneur de la séance du 7 décembre (« Explorations alchimiques »). Si les films de Solomon Nagler révèlent un travail très riche sur la matière des images et la narration, la démarche de son concitoyen et « maître » (Nagler fut l’élève de Richard Kerr, chef de file du groupe Escarpment School), est notamment centrée sur la récupération d’images made in Hollywood. L’un des films proposés, Collage d’Hollywood (2003) laissait cependant perplexe manquant d’épaisseur critique et d’originalité sur un plan visuel.
La sélection de film estampillés « Corps animés » offrait quelques chefs‑d’œuvre tels Pulsions le très beau film d’Izabella Pruska-Oldenhof, ballet aquatique et sensuel d’un corps féminin caressé de couleurs et de matières irréelles. Véritable OVNI présenté lors de cette même séance (malheureusement non sous-titré) : Part Time Heroes des viennois Mara Mattuschka et Chris Haring.
La mise en avant des films de l’Irlandaise Moira Tierney au sein du programme de cette 9è édition était l’occasion de (re)découvrir le réel talent de cette artiste irlandaise, distribuée en France par le CJC. Qu’elle tourne ses films en 16mm ou en Super‑8, Moira Tierney offre un regard sur le monde à la fois tendre et sauvagement en alerte, fébrilement désireux d’y capter des instants de vie uniques. Tourné à New York au printemps 2000, Radio Haïti témoigne d’une marche de protestation menée par la communauté haïtienne contre de récentes violences policières. À Dublin, dans le quartier des docks, c’est la fougue d’un gang de gamins qui crève l’écran (Tiger Me Bollix, 2000).
Autre invité du festival : Marcus Nordgren, jeune artiste norvégien travaillant autour de l’abstraction expérimentale. Rassemblant près de 10 films « nordiques », cette carte blanche éclectique alliait aussi bien l’humour potache d’une animation pate-à-modelesque (Puppet Boys de Johannes Nyholm, Suède, 2004) que la mélancolie intime du journal hybride d’une jeune « opiate addict » (Lili d’Olivia Tonteri, Finlande).
Enfin, parmi les longs métrages présentés lors de cette édition 2007, notons la projection de Flor da Baixa de l’Italien Mauro Santini, road movie aérien et sensible, autoproduit, tourné en Digibéta entre Lisbonne, Rio de Janeiro, Marseille, Taranto…
D’ici décembre 2008, il est possible de suivre l’actualité du Collectif Jeune Cinéma, via leur site internet : http://www.cjcinema.org