Durant toute la matinée du samedi 4 octobre s’est tenue au lycée Raspail Paris 14ème la première édition du Festival du Film Lycéen de Paris.
Onze films en compétition, issus du travail des options cinéma d’autant d’établissements, étaient alors présentés à un public constitué d’élèves, de représentants des lycées et de partenaires de l’événement. Bien que confortablement installés dans le superbe amphithéâtre qui accueillait les projections pour l’occasion, on gardait volontiers son manteau sur les épaules pour conjurer la fraîche matinée d’automne qui s’infiltrait jusque dans la salle. Présidé par Alain Bergala, professeur à la FEMIS, le jury était réuni dans le but de récompenser une œuvre du programme. Composé de 4 membres, ce jury réunissait également Christine Gendre, responsable du Service Court-Métrage d’UniFrance (organisme chargé de la promotion des films français à l’étranger) ainsi que deux jeunes professionnels du cinéma récemment diplômés de l’École Louis-Lumière. Les organisateurs ont également proposé aux personnes du public de voter, par bulletin individuel, pour leur film favori. Notons qu’ils ne pouvaient voter pour le lycée qu’ils représentaient.
La compétition, ouverte aux lycées accrédités par le rectorat de Paris, accueillait aussi bien les établissements publics que privés sous contrat, si bien que s’y trouvaient confondues œuvres collectives et individuelles. D’une bonne tenue générale, le programme projeté lorgnait sensiblement vers un réalisme poétique à tendance fantastique, mêlant ballades dans les rues de Paris (La pluie viendra, Lycée Jacques Decour), échanges d’artefacts magiques (C’est le bouquet, Lycée Raspail), transformations et dédoublements de personnalités (Le Fifre, de Marie Godeau, École alsacienne et Double je, Lycée Sophie Germain). Un certain nombre de films étaient atteints du syndrome de la chute, ou d’un twist énorme qui, au mieux, les retourne comme des crêpes (C’est le bouquet, Double je) ou, au pire, les change en grosse blague (Les Saucisses hallal, Lycée Rodin). À signaler, tout de même, la présence d’un documentaire (Entre vues, Lycée Saint-Sulpice) au sujet passionnant et fondamentalement cinématographique – la relation entre image et sons pour un aveugle – mais à la mise en scène un peu scolaire. Enfin, l’un des films les plus singuliers de la sélection fut certainement Black Dog (Lycée Diderot), étonnant cout-métrage de 17 minutes où ne se succèdent que quatre (longs) plans-séquences. Cette expérimentation très théorique sur la durée, bien qu’éprise de radicalité, ne vainc pas la raideur qui l’étreint tout du long.
À l’exception d’un passage furtif de La pluie viendra, aucun de ces films, fabriqués par des lycéens, ne s’attache à représenter le lycée. Tous ont saisi l’occasion de sortir de ses murs et d’aller voir ailleurs, le plus souvent dans la rue. Cependant, rares sont ceux qui ont pris le parti d’employer d’autres acteurs que les élèves eux-mêmes. On se surprend alors à traquer ce que charrient du lycée ces corps transposés dans un monde auquel ils n’appartiennent pas encore. Et, c’est frappant, pour la plupart des films, sortir des murs du lycée, frayer un peu avec le monde des adultes, c’est déjà porter un déguisement, se travestir. L’extérieur exige un échange de costume. Pour l’intégrer, il faut s’endimancher, revêtir ce qui n’est pas encore à sa taille – tissus trop propres, pompes trop cirées – ni assez usé pour donner l’impression qu’on s’en sert régulièrement. Ainsi, chaque film paraît raconter, en sous-main, une histoire d’évasion : ne pas se faire repérer, avancer discrètement, bien se camoufler (Usine à rêves, Lycée Turgot, Intérieur(s), Lycée Honoré de Balzac). L’habit devient alors un élément du décor derrière lequel on se cache, le sourire aux lèvres. Il est ce mur d’enceinte qui, de chaque versant, donne à la fois sur la cour du lycée et sur la rue : un poste d’observation discret d’où dépassent les têtes des élèves.
Au-delà des récompenses, le festival aura permis, en projetant les œuvres tournées par les élèves, de boucler l’expérience ouverte par l’option cinéma. Il rappelle que tout travail de création n’existe réellement qu’à travers la rencontre avec un public. Le jury, d’une rapidité fulgurante, a choisi de récompenser Double émoi/Double et moi (Lycée Jean Lurçat) dont le professeur encadrant Jean Bensaïd s’est instamment vu remettre un Clap d’or. Le film se détachait clairement du reste de la sélection par son usage habile des puissances du montage. Sur les bancs des Buttes Chaumont, un jeune homme en galante compagnie se trouvé gêné dans ses entreprises par le chevauchement sauvage d’un couple en face de lui. Son intervention brutale révèle l’irréalité des personnes qui l’entourent et le sourd travail de son imagination. Un ingénieux système d’apparitions et disparitions nous aide alors à pénétrer la psyché complexe d’un personnage virant à la schizophrénie. Le tout, très ludique, tient en 7 minutes.
Le Prix du Public est revenu à C’est le bouquet, sympathique fantaisie brodant autour de la circulation d’un bouquet de fleurs entre plusieurs mains, successivement désiré, puis rejeté. Le film Entre vues recueillant de nombreux suffrages était classé second par le public. C’est Madame Juppé-Leblond qui a procédé à la remise du Clap d’or du public.
Le jury à également tenu à souligner les qualités de Cry Me a River (Lycée Bergson), ciné-essai très ambitieux autour de l’usine marémotrice de la Rance. Ce point de départ ne s’avère qu’un prétexte – passablement ennuyé et ennuyeux – à filmer de jeunes et beaux danseurs de tectonique, au cours de plans très sensuels qui s’avèrent finalement dessinant comme un autre film, plus stimulant et infiniment mieux réussi. Il s’ouvre sur ces quelques mots : « Enfants de la lune nous avons rêvé un film qui serait beau et pas lisse pour autant. Eau et Énergie, avec plusieurs des maillages possibles autour des ces deux termes liés au développement durable. Vagues, tourbillons, remous, pluie pour un cinéma poétique. »