Miel Van Hoogenbemt, comme son nom l’indique, est belge. Bien qu’il se soit tourné depuis vingt ans vers le documentaire social qui en ferait, pour la fiction, le benjamin des deux Dardenne, celui-là a choisi une forme beaucoup plus classique pour dépeindre les misères quotidiennes de ses protagonistes. Pas de caméra à l’épaule en vue, pas de sons de périphériques, mais bien un attrait pour la peinture sociale. Le film vaut essentiellement cependant pour ses acteurs, très bien dirigés dans leurs effacements et leurs fulgurances, mais pas toujours servis par une mise en scène trop planplan, trop évidente. Un premier film en demi-teinte donc.
Miss Montigny vient d’un documentaire du même réalisateur de 2002 intitulé Miss in Dreams : on retrouve dès les premières images une vocation à ancrer la psychologie dans un quotidien. Longs panoramas sur la petite ville de Montigny qui ressemble plus à une banlieue en perdition architecturale qu’à une ville de province reposante, plans fixes sur les briques rouges, les rues vides, le désert humain et affectif. Chaque présentation de personnage se fait au gré de ses problèmes : la mère de Sandrine compte et recompte jour et nuit ce qui va lui rester à la fin du mois. Elle est mariée à un chômeur qui tente de noyer son « inutilité » dans les bras d’une amie de la famille. Et Sandrine, quant à elle, vend avec dégoût du camembert dans une grande surface, espérant ouvrir son salon d’esthéticienne tant désiré. L’une des forces du film est de ne jamais tomber, par ailleurs, dans le retournement narratif qui consisterait à affadir ces problèmes, ou à les entourer d’optimisme pour les rendre plus supportables ou plus romanesques. Ce qui n’empêche cependant pas l’existence de quelques scènes un peu mièvres, un peu inutiles, pendant lesquelles Sophie Quinton chante du Axelle Red…
Dans la construction de chaque relation entre les protagonistes, Miel Van Hoogenbemt pose également le problème (principalement financier) au centre des liens. Sandrine ne peut ouvrir son salon dès aujourd’hui par manque d’argent, elle reste auprès de sa mère parce que cette dernière l’aide à compter, encore et toujours. Celle-ci la pousse à se présenter au défilé de miss dont le prix est une somme importante que l’on ne connaîtra jamais. Car le nœud gordien du film n’est pas le combien, mais le comment. Le tableau est donc plutôt morne, et la faiblesse du film est sans doute de se laisser submerger par ce morne, et de fait de s’enfermer dans un jeu de lumières, de resserrements du cadre et de gros plans psychologiques qui sont trop explicites. A tel point que, même émus par les acteurs et actrices, on reste un peu sur la faim de ne pas découvrir davantage cet espace à la fois restreint dans ses modes et conditions de vie, et ouvert sur la grande ville que représente Bruxelles.
En effet, les deux actrices principales, Ariane Ascaride et Sophie Quinton, sont irréprochables. La première, coutumières des rôles de mère courage dans les films de Guédiguian ou d’autres, réussit toujours à insuffler une profonde pudeur et une grande sincérité désemparée à son personnage de mère trop proche, trop accrochée à l’espoir que représente sa fille. Quant à Sophie Quinton, on ne se lasse pas de la voir progresser de Qui a tué Bambi ? à Avril : elle se renouvelle déjà, sait jouer aussi bien les naïves sorties du couvent que les écorchées de province. Mais elles ne suffisent pas tout à fait à renverser la vapeur : quelques clichés, d’une scène de restaurant sur Mike Brant au développement un peu trop appuyé d’une relation mère/fille étouffante, quelques très beaux passages aussi, notamment la scène de fin libératrice un brin attendue mais arrivant comme une bouffée d’air, voilà les deux parties du volcan sur lequel Miss Montigny danse. Le film pèche, en somme, par un petit manque d’audace face à un sujet peut-être un peu trop mince.