Un premier long métrage, norvégien de surcroît, dont les références avouées sont Indian Runner de Sean Penn, La Haine de Kassovitz et Le Parrain de Coppola, c’est forcément intrigant. Et c’est sans déplaisir qu’on suit les mésaventures de David, jeune homme un peu paumé pris dans un imbroglio de drogue, de flingues et de liasses de billets, tout en vivant chez maman, avec un petit frère trisomique.
« La vie, c’est comme un jeu de cartes » : c’est le constat un peu naïf censé servir de fil conducteur à l’histoire de David, 25 ans. Mais ce fatalisme de supermarché (« au départ on ne choisit pas son jeu, mais on choisit quand et comment abattre ses cartes ») n’est illustré dans le film que par les parties jouées par le jeune homme et son frère attardé, Kjetil, et rarement par le scénario lui-même. C’est le vrai problème de cet Uno : il se cherche une profondeur, une sorte de spiritualité, de philosophie, voire de poésie, qu’il ne trouve jamais. La mort du père ou l’étrange lumière jaune et bleue qui émane de toutes les scènes n’y changeront rien. On s’en tiendra donc aux faits, et uniquement aux faits : impliqué dans une sombre histoire de trafic d’anabolisants, David est arrêté par la police, et « balance », parce que son père est mourant. Comme on peut s’en douter, et comme il le redoute lui-même, c’est le début de ses ennuis.
S’ensuit alors une course poursuite incessante entre anciens amis devenus adversaires, ennemis passés complices, bad boys sortis de nulle part et sauveurs tombés du ciel dans une drôle de ronde où l’on ne peut faire confiance à personne. Cette nouvelle donne dans les relations est assez bien rendue, notamment grâce au jeu tout en finesse et subtilité d’Aksel Hennie, dont le regard sait exprimer à la fois le doute et l’assurance, la peur et la confiance, la violence et la chaleur. David a perdu d’un coup son père et ses repères : travail, amis, sécurité d’une vie pas trop mal rangée. Seul gage de stabilité : ce qu’il lui reste de famille, une mère aimante, forte et protectrice, et ce frère trisomique, plus malin qu’il en a l’air, qui sera la clé de bien des situations en même temps que le principal porteur de l’humanisme appuyé du film. Étonnant, dans un film estampillé « banlieue », de voir rendu un tel hommage à la famille, à la fois tendre et plein d’humour.
On regrettera que le rythme, qu’il aurait fallu soutenu, soit (volontairement?) un peu bancal, et que le film ne démarre jamais vraiment. Le suspense, la pression, généralement bien mis en scène, finissent toujours par se relâcher, par retomber, et c’est bien dommage. On ne sait d’ailleurs s’il s’agit d’un véritable parti pris (ne pas faire de ce film une œuvre noire et désespérée, ce qu’il n’est pas) ou d’un défaut de jeunesse. Reste un petit film sympa, pas mal écrit, pas mal filmé, plutôt bien joué mais qu’on risque malgré tout d’oublier assez vite.