Autrefois actrice pour des cinéastes radicaux (Maurice Pialat, Andrzej Zulawski, Marina de Van), Sophie Marceau s’est professionnalisée depuis LOL (2009) dans les comédies romantiques à fort potentiel commercial. Tu veux ou tu veux pas de Tonie Marshall ne faillit pas à ce nouvel engagement. Vampirisé par son casting bankable et huilé pour une diffusion dominicale en prime-time, le film se voudrait une gentille romance mâtinée d’un vernis olé-olé, mais son inoffensivité n’est qu’apparente.
Le sexe sans amour n’est que ruine de l’âme
Après une énième partie de jambes en l’air avec un collaborateur, Judith (Sophie Marceau) est licenciée et atterrit sans le sou chez Michel son vieil oncle, persuadé que sa nymphomanie lui a encore coûté un poste. Alors qu’elle postule par erreur dans un cabinet spécialisé en thérapie de couple, elle est engagée comme assistante par Lambert (Patrick Bruel), lui aussi porté sur la chose mais abstinent. Commence alors un jeu de séduction ininterrompu qui va battre en brèche toutes les bonnes résolutions du pauvre homme.
Avec Tu veux ou tu veux pas, on est bien loin de la vision tragique de la nymphomanie dépeinte en début d’année par le diptyque de Lars Von Trier. Tonie Marshall brosse a priori, avec ce neuvième long-métrage, le portrait d’une femme libérée pour qui la recherche constante de sexe n’est aucunement une pathologie. Cependant, si le film évite une lecture clinique du comportement libertin de son héroïne, il essaie de le justifier par l’existence d’un trauma enfantin (comme si la sexualité débridée d’une femme ne pouvait être vue qu’à travers le prisme d’une blessure psychologique) et tente de démontrer les entraves qu’il provoque. Sa carrière professionnelle avortée doublée d’une solitude amoureuse semblent ainsi son horizon indépassable. Si l’on peut déplorer le peu de cas fait de ce constat social, anecdote vite expédiée pour se concentrer sur la potentielle dimension comique du duo érotomane, l’explication psychologisante quant à l’origine de l’appétit sexuel de Judith pose problème. Ce « dérèglement » serait ainsi la conséquence d’une histoire d’amour brisé (celle de ses parents), posant d’emblée le personnage comme une victime de son passé familial, pas véritablement responsable de ses actes.
Une odeur de naphtaline
Cette propension à situer Judith sur un paradigme victimaire, s’il peut paraître un choix dramatique pour le moins discutable, se double d’une vision rétrograde de la femme. Judith est en effet présentée comme une malade qu’il s’agirait de guérir, sa guérison prenant les traits d’un prince charmant. Parfaitement archaïque, alors même qu’il joue la carte d’une soi-disant modernité, Tu veux ou tu veux pas ressert une fois encore la vieille recette du conte de fée où la pauvre demoiselle ne peut être sauvée que par l’apparition d’un homme providentiel. En l’état, le film dégage un parfum nauséabond où le désir féminin se doit d’être circonscrit dans le couple, un comble pour une histoire qui appuie, séquence après séquence sur l’érotisme latent de Sophie Marceau. En opposant fidélité et pulsions sexuelles, le long-métrage valide sa morale castratrice pour le sexe faible sans s’interroger sur la libération et l’épanouissement qu’une vie célibataire et débridée peut produire.
Alors que le sex-appeal indéniable de l’actrice illumine presque chacune de ses apparitions et aurait pu alimenter des situations scabreuses et décalées propres à générer le rire, Tu veux ou tu veux pas demeure une proposition de cinéma puritaine où la représentation sexuelle (verbale ou visuelle) ne dépasse jamais les bornes de la bienséance, à l’exception d’une culotte négligemment oubliée à l’arrière d’un taxi. Déjà fortement plombé par son traitement scénaristique s’interdisant une quelconque obscénité et négligeant des pistes qu’il a lui-même ouvertes (l’histoire familiale de Lambert), le film pâtit en outre d’une réalisation d’une platitude consternante à l’image du dernier plan, semblant tout droit sorti d’une sous-production Dorcel mal inspirée. Vulgaire dans ses choix chromatiques (couleurs criardes), indigeste dans son montage, la proposition de Tonie Marshall finit son naufrage grâce à la calamiteuse prestation de Patrick Bruel, totalement à côté de son rôle. Tu veux ou tu veux pas symbolise le vautrage d’un certain cinéma français pour lequel deux noms célèbres et un pitch aguicheur suffit à faire déplacer le public. Cet état d’esprit, entre cynisme, irrespect et mauvais goût, n’en est pas à son coup d’essai mais ce dernier exemple en date en est un coup de maître.