S’il y a bien une chose qui caractérise Madonna, c’est son obstination. Une obstination qui a pu lui servir en musique (même si son nouvel album peine à décoller) mais dont on se passerait bien dès qu’elle veut jouer à la réalisatrice. Son premier film, Obscénité et Vertu, alignait à la pelle des répliques dignes de philosophie de comptoir dans un pseudo-hommage esthétique à Godard et Cassavetes. Loin de se décourager de cet échec critique cuisant, la Marie-Antoinette du ciné US récidive et « s’achète » un second opus, historique cette fois, autour de l’histoire des Windsor. Pas trop moche mais d’un ennui mortel, W.E. est aussi lisse qu’un mauvais lifting.
Comme elle l’explique dans le dossier de presse, Madonna a toujours été fascinée par l’histoire des Windsor et notamment par celle du du Roi Édouard VIII d’Angleterre contraint de renoncer au trône par amour pour Wallis Simpson. Madonna, peu avare en formules chocs, considère cette passion comme « la plus grande histoire d’amour du XXe siècle ». Tout un programme qu’elle nous propose en plat principal de son nouveau « chef-d’œuvre », sobrement intitulé W.E. (le titre faisant référence aux initiales des deux protagonistes).
Pour écrire le scénario, elle fait appel à Alek Keshishian avec qui elle avait déjà collaboré sur In Bed with Madonna. Mais tous deux semblent avoir été gagnés par la maladie aiguë des Shadoks ou « comment faire simple quand on peut faire compliqué ». Au lieu de centrer le film uniquement sur le couple principal, ils s’embarrassent, en parallèle, d’une partie contemporaine new-yorkaise royalement inutile. On doit ainsi supporter les errances d’une femme mal mariée, Wally qui, alors qu’elle assiste à l’exposition de biens ayant appartenu aux Windsor, revit les temps forts de leur passion. Forcément, c’est pour elle l’occasion, de remettre en question son propre couple alors qu’elle succombe au charme du vigile de l’exposition, un immigré lettré et plutôt beau gosse.
Mais ces effets de flashbacks, d’entrelacs des temporalités et de projections sont trop mal maîtrisés pour être profitables au film. On est loin de la réussite de The Hours où les mises en miroir entre Virginia Woolf et les vies des femmes qui la lisent sur plusieurs générations, avaient nettement plus de profondeur et de richesse psychologique. En fait, le principal problème de Madonna, c’est qu’à trop vouloir bien faire, elle nous coupe complètement de toute émotion et de tout affect. Du coup, esthétiquement, le film reste honnête. Si Madonna prend parfois des poses de réalisatrice avec des effets stylistiques qui tiennent plus de tics de débutante que du vrai génie créatif (on pense à ces insupportables gros plans à la photo granuleuse), elle a su s’entourer d’une équipe artistique suffisamment compétente pour faire illusion. On sent un vrai soin accordé à la photographie, à la reconstitution des décors, aux costumes, aux bijoux. Mais un film n’est pas un shooting et W.E. donne trop souvent l’impression de feuilleter les pages glacées d’un photo-rama fait pour Vogue. Dénuées d’âme, les images de Madonna, aussi affriolantes soient-elles, restent frigides. Un comble, quand il s’agit de raconter une romance pleine de passion.
Oui, on l’avoue. On aurait aimé que W.E. soit atteint du syndrome Gigola, qu’il soit tellement raté qu’il en devienne drôle malgré lui. Car là, Madonna nous inflige le pire des supplices : l’ennui. Alors, pour s’occuper, l’esprit vagabonde avec son lot de « pourquoi » : pourquoi Madonna veut-elle à tout prix faire un cinéma qui ne lui correspond pas ? Pourquoi ne suit-elle pas l’exemple d’une Barbra Streisand qui a su trouver sa place dans le cinéma musical ou romantique ? Pourquoi des producteurs comme Harvey Weinstein arrivent-ils à lui faire confiance (en dehors du nom, bien entendu qui reste un élément marketing)…. Mais voilà qu’arrive (enfin !) le générique de fin avec sûrement ce que le film détient de meilleur : la chanson « Masterpiece », très belle ballade récompensée à juste titre par un Golden Globe. Et loin de nous de pointer du doigt toute l’ironie de voir se clore la mascarade par une chanson qui parle de « chef-d’œuvre ».