Un papa lointain, éminent scientifique, revient à Paris pour s’occuper de son adolescente de fille. Il est bien entendu vite dépassé. Une nouvelle pièce accablante dans l’épais dossier d’instruction d’un cinéma français qui n’en finit pas de se tirer des balles dans le pied en se mordant la queue, entre grand et (très) petit écran.
Thomas Sorriaux et François Desagnat ont deux films à leur actif : La Beuze et Les 11 Commandements. Ne jouons donc pas aux vierges effarouchées. Dans ces conditions, on n’attend pas d’eux, nonobstant la thématique biblique de l’opus précédent, ni miracle ni rédemption. « Travailler ensemble permet à nos deux cerveaux de réagir l’un à l’autre. » Nicolas Sarkozy parlant de Silvio Berlusconi ? Non non, c’est de Thomas Sorriaux. Bel exemple d’émulation dont devrait s’inspirer tous les créateurs solitaires passant leur temps à ressasser et à pondre des films chiants. Il faut en convenir, les deux encéphales ont bossé durement, par exemple pour choisir l’âge de l’héroïne, changeant invariablement au gré des coups de fils aux attachés de presse :
« Bonjour, j’appelle pour les projections de Ma fille a 14 ans.
— Le titre a changé, c’est maintenant Ma fille a 15 ans.
— Euh d’accord, c’est noté. »
Une semaine plus tard :
« Bonjour, j’appelle pour les projections de Ma fille a 15 ans.
— Vous voulez sans doute parler de 15 ans et demi.
— Euh… oui. »
Ce qui occupe les deux « cerveaux », c’est la blague, la grosse déconnade à fond les ballons : le décalage fait principe et système, prenant la forme d’un puissant volontarisme aboutissant au néant. Et en l’occurrence, il y a même confusion entre décalage et un recyclage. Il faut dire qu’avec toutes ces lettres en commun entre les deux mots, la langue française est pleine de pièges. Le constat est sans appel : une absence totale d’inventivité. Au menu : omelette au nutella à la Jackass suivie d’un « sucer c’est pas tromper » façon Ardisson. Fins gourmets, une seule solution : fuyez ! Pour le dessert, on s’attend à voir débouler Cauet à chaque instant, mais on se consolera avec une apparition d’Élie Semoun qui sortait sans doute d’un plateau télé (Arthur ?). On a droit aussi à quelques Robins de bois qui n’ont pas connu la reconnaissance de leur formidable talent. Même Alain Chabat en crapoutout raveur fait peine à voir (par contre, on l’attend prochainement et de pied ferme en Gilles Gabriel). La liste est longue, mais mentionnons pour conclure l’usage parodique de transparences hitchcockiennes totalement pompée sur OSS 117. Bref, tout ce qui pourrait « marcher » et attirer le chaland est convoqué dans cette gigantesque soupe filmique. Ainsi un pathétique François Berléand grimé en Einstein, figure de la conscience scientifique du père qui lui lancera : « allez dire ça aux habitants d’Hiroshima ! » Mais attention, les deux zozos sont des hommes du XXIe siècle complètement « aware » et ils ont eu une idée : la fête qu’organise chez elle la jeune fille est filmée au téléphone portable. Ce qui est en effet le seul objet qui mériterait de leur être confié.
Et sinon de quoi s’agit-il ? Rien, ou à peu près. Car l’intérêt est ici de faire l’exposé permanent d’une inventivité et d’un « décalaaaaaage » qui n’existent pas. Et surtout pas de se pencher sur la condition adolescente ou sur celle des pères ou des familles monoparentales. Comme si ça ne suffisait pas, des intrigues parallèles (perpendiculaires ?) s’empilent comme des cageots un jour de marché. Fichtre, encore une confusion : ton comique ne signifie pas se moquer de son sujet. Décidément. Mais les deux cerveaux ont toutefois pris la peine de formuler une bonne vieille morale à la noix : les bons/mauvais pères ne sont pas ceux que l’on croit. Même s’il ne peut être érigé en grand génie des acteurs français, on se demande cependant ce que Daniel Auteuil est venu faire dans cette galère. Et finalement, presque paradoxalement, Juliette Lamboley, qui interprète Églantine, avec son joli minois rusé et ses yeux noisettes, est loin d’être la pire des catastrophes de ce lamentable produit audiovisuel qui se voulait OVNI cinématographique.