Trois destins s’entremêlent et s’entrechoquent dans le premier film du réalisateur marocain Daoud Aoulad-Syad. Kacem, forain et propriétaire d’un stand de loterie ambulante, engage Rabii, jeune danseur travesti et Larbi, son fils qui travaille avec son père sans connaître sa réelle identité. Tous les trois, ils sillonnent le désert marocain gravement touché par la sécheresse. Le spectacle de foire constitue le seul divertissement des villageois, donnant à leur quotidien la mélancolie de la pluie qui ne veut pas revenir. À la manière d’un Estragon d’une Fin de partie, les habitants se demandent sans cesse ce qu’il y a faire. Tout le monde s’ennuie. Le spectacle de Kacem vient dynamiter les normes et les cadres, notamment par l’intermédiaire de Rabii. Si la majorité des personnages sont intéressants, la caméra reste un peu trop à l’écart, sans exposer de manière claire leurs volontés et leurs déterminations, ne rentrant pas dans l’intimité de Rabii, personnage d’autant plus atypique qu’on aurait envie de le découvrir plus. Néanmoins, le film parle mieux que n’importe quelle œuvre de l’ennui, jamais d’une manière misérabiliste, mais avec une distance quasi anthropologique qui laisse augurer un des prémices du renouvellement du cinéma marocain, avec l’envie de s’en sortir, envers et contre tout, que ce soit les conditions climatiques, sociales ou cinématographiques.