Les décors du film En attendant Pasolini avaient été construits sur des parcelles de terre louées aux villageois de Zagora. Le terrain de Moha avait vu s’élever le décor d’une mosquée. Après le film, les villageois détruisent tous les décors mis à part la mosquée, devenue un véritable lieu de culte. Moha se bat pour faire valoir ses droits, et pouvoir ainsi récupérer son terrain sur lequel il cultivait les plantes qui lui permettaient de vivre… Tiraillé entre la pression des habitants du village, qui ne veulent pas voir disparaître la mosquée, et sa propre volonté.
Le film a débuté à cause d’une histoire vraie : pendant le tournage d’En attendant Pasolini, les villageois venaient prier dans le décor de la mosquée construite à l’occasion du tournage du film. La mosquée de cinéma est devenue un véritable lieu de culte, car le propriétaire ne pouvait pas refuser aux villageois l’entrée du lieu de culte. La fiction a construit de la réalité : la mosquée, elle-même chemin de la spiritualité (comme on pourrait d’ailleurs le dire du cinéma).
Comme dans le film En attendant Pasolini, la religion est malmenée, tournée en dérision, à l’image de la mosquée d’artefact dont on voit un des deux pans complètement artificiels. Car le film est également une sorte de fable sur la religion, la mosquée représentant ce qui a perduré même si elle était au départ décor et invention (de cinéma). En filigrane, Daoud Aoulad-Syad ne dit-il pas que le cinéma pourrait ainsi être une nouvelle religion ? Le film pose également une autre question, tout à fait passionnante : est-ce que le monde du cinéma construit un monde réel ? Une fois l’équipe de tournage partie, les villageois de Zagora se sont retrouvés sans rien. Seul le décor de la mosquée est resté. Et le souvenir du tournage. Détruire la mosquée, c’est aussi détruire le monde fictif du cinéma, la seule relique du tournage et de son monde imaginaire. La sauver, c’est sauver la capacité de regarder, et d’écouter, ce que le film n’arrête pas de mettre en avant. Daoud Aoulad-Syad met dans ce film toujours la même verve à parler de religion, avec toujours cette même distance anthropologique qui le caractérise.