L’association des caravanières a pour ambitieuse mission de faire connaître leurs droits aux femmes, sur chaque rive de la Méditerranée. Après avoir croisé leur route, Jean-Pierre Thorn décide de filmer leur combat au quotidien. Le réalisateur rend, avec une mise en scène pertinente, un bel hommage à ces humanistes de l’ombre.
Les caravanières viennent d’Algérie, du Maroc, de France. Elles ont décidé, par conviction et grâce à leurs expériences, de promouvoir la cause des femmes en leur enseignant leurs droits. Ce serait évidemment se voiler la face que de prétendre qu’une telle éducation est superflue, alors qu’en France meurent chaque année près de 400 victimes de violences conjugales (selon Le Droit de savoir, 1999, qui pointait également le chiffre de 2 millions de femmes battues en France). Zorah Sadik et les autres, les « caravanières », ont décidé de se battre en douceur, de promouvoir la discussion et l’éducation. Jean-Pierre Thorn, impressionné, a décidé quant à lui d’adopter une forme des plus discrètes pour rendre hommage à ce combat. Il filme, simplement, les caravanières en action, au quotidien, faisant du porte-à-porte, organisant des réunions-débats… Il n’intervient que fort peu, laissant s’exprimer ses sujets : elles ont tant à dire.
S’il s’exprime peu de façon directe, le réalisateur est beaucoup présent par le biais du montage. Le film ne cesse jamais de mettre en parallèle deux caravanes, l’une se situant au Maroc, l’autre en France, dans la région de Lyon. Le constat, du côté français, est accablant. Entre un pays perçu comme encore passablement arriéré socialement et le « pays des droits de l’homme », le contraste penche souvent en défaveur de la France. C’est en France que l’on rencontre les plus extrémistes des femmes « anti-féministes », imprégnées qu’elles sont d’une culture terriblement machiste et patriarcale. Face à de tels comportements, les caravanières se gardent bien de les prendre de haut : le combat pour les droits des femmes a déjà vu suffisamment de donneurs de leçons… Comme toujours, elles répondent par l’écoute et le dialogue. Le réalisateur n’exprime pas non plus directement sa désapprobation, et donne leur place à ces points de vue comme aux autres. Reste au spectateur à se forger une opinion, qui ne fera, on l’espère, pas de doute.
Long et lent, le film de Jean-Pierre Thorn est une véritable déclaration, sinon d’amour, au moins de respect vis-à-vis du combat des caravanières. Il ne faut certes pas moins des deux heures du film pour rendre un digne hommage à ces femmes (et à ces quelques hommes) combattantes. Le périple « éducatif » des caravanières n’est aucunement superflu, surtout pas lorsque l’on sait qu’aujourd’hui encore, des atrocités telles que l’excision peuvent rester inconnues à de nombreuses personnes, normalement informées. À la vision de Allez, Yallah !, on se surprend, sentiment étrange et peu commun, à croire de nouveau que les choses peuvent changer, tant le combat des caravanières est mené avec foi et courage. Faire et distribuer ce film est un hommage à peine suffisant.