On dit souvent que la comédie est l’un des genres où il est le plus difficile d’exceller, et pour cause : plus qu’ailleurs, les acteurs ne peuvent se permettre aucune approximation, chaque gag ou presque doit faire mouche (on mesure un gag à son efficacité : à moitié réussi, il sera jugé raté) et, dans le même temps, le récit doit trouver un équilibre afin de tenir conjointement les situations et le rythme. La comédie est affaire de vitesses, au pluriel : accélération, décélération, entrechocs de dynamiques contraires… Un jeu auquel Laure Calamy, qui tient le rôle-titre d’Antoinette dans les Cévennes, brille ici particulièrement, de surcroît dans un registre délicat, qui consiste à faire tenir ensemble une assurance déconcertante avec une forme d’inconfort et de malaise. « Vous avez raison, honte à moi ! » s’exclame-t-elle, cabotine, avec une nette ironie mais aussi en riant jaune, face à un parterre d’inconnus dont certains jugent avec sévérité sa relation extra-conjugale avec Vladimir, le père d’une élève dont elle a la charge (elle est maîtresse d’école primaire). Toute l’intelligence de son jeu réside dans cette articulation entre la démesure et le ridicule, comme dans la séquence d’ouverture, la plus drôle, où elle fait entonner à ses élèves une reprise d’Amoureuse de Véronique Sanson pour la kermesse de fin d’année. Lorsque son amant, embarrassé, lui annonce qu’il part finalement en vacances avec sa famille dans les Cévennes, pour refaire le célèbre voyage de Stevenson avec son âne, Antoinette improvise elle aussi la randonnée, avec en tête l’idée de croiser son amoureux, qu’elle n’a bien entendu pas prévenu.
De ce canevas, Caroline Vignal tire une excursion prétexte à des rencontres et la constitution de petits duos de comédiens, parfois très inspirées (l’une des meilleures idées du film est de faire d’un âne le partenaire de jeu privilégié de Calamy), parfois moins (la figure, un brin sous exploitée, du célibataire inquiétant campé par Marc Fraize). Cette ligne directrice montre toutefois ses limites à mesure que se dessine l’horizon d’un cheminement moral, qui voit Antoinette faire le ménage dans le désordre de son intimité, puis retrouver le sourire à mesure que l’expérience introspective de la marche se prolonge. C’est là, hélas, souvent le défaut des comédies, à qui non seulement on demande beaucoup, mais qui en plus s’imposent de vouloir trop en faire : il faut en plus qu’elles s’attellent à raconter quelque chose, à doubler la matière comique d’une profondeur scénaristique. Antoinette… se parera même d’accents de westerns et de crépuscules fordiens, dans un finale où la dimension rédemptrice du trajet est nettement appuyée. Il n’en demeure pas moins que sur le pur terrain du jeu, le film propose un cadre presque idéal pour le déploiement de l’énergie de Calamy. On est en droit de trouver cela insuffisant, mais c’est au fond déjà beaucoup.