Pour son premier long métrage, Julien Donada raconte le parcours d’un homme amoureux d’une femme morte. Étrange, mais pas si captivant…
Nice, à la fin de l’été. Un flic épuisé (Daniel Duval) cherche à obtenir à tout prix un arrêt de travail. Alors qu’il traîne chez une amie, il découvre par la fenêtre le corps d’une jeune femme (Chiara Caselli) qui s’est donné la mort sur sa terrasse. Cette rencontre déclenche en lui un amour enivrant pour cette inconnue. Le film alterne alors scènes réelles et scènes fantasmées. Ces dernières sont plus filmées comme des flashbacks et donnent l’impression que Michel Matarasso a vraiment vécu ces moments. La présence radieuse de Chiara Caselli signale le fantasme, ce fantasme qui imprègne de plus en plus la réalité. Michel Matarasso s’introduit à chaque fois un peu plus dans la vie de la défunte en questionnant ses proches, en volant ses objets personnels, en racontant des souvenirs imaginaires.
Le film est servi par des acteurs tous plus convaincants les uns que les autres. Mention spéciale aux deux premiers rôles. Chiara Caselli, qu’on avait déjà beaucoup aimée dans Le Père de mes enfants, irradie curieusement le film par sa sensualité et sa vitalité. Daniel Duval, quant à lui, livre une belle performance en se métamorphosant au cours du film ; de sombre et soucieux, il devient souriant et satisfait, mais cet étrange bien-être n’est que le signe de son immersion un peu plus profonde dans son obsession funeste.
Les acteurs sont bons, le scénario est prometteur, pourtant, le film reste en deçà de ce qu’on pourrait attendre d’une telle histoire. Le rythme, souvent lent, ne parvient que trop rarement à susciter le trouble et la curiosité du spectateur. Certaines scènes ne nourrissent pas directement l’ambivalence générale du film, et viennent l’allonger inutilement. D’autres scènes, au contraire, cultivent cette ambivalence, mais apparaissent comme des redites de moments déjà vus, et viennent là encore alourdir la trame narrative. On aurait pu penser que ce travail par touches et par répétitions créerait de l’ambivalence ; c’est plutôt le contraire qui se passe, puisque la confusion du spectateur se dissipe au cours du film. Il n’est pas entraîné par le vertige dans lequel se retrouve Michel et reste relativement extérieur à son expérience mentale. La photographie du film n’est sans doute pas étrangère à cela : les images sont très réalistes, parfois trop réalistes et elles ne parviennent pas vraiment à rendre le malaise provoqué par cette rupture de la rationalité dans la vie quotidienne. Pour créer un soupçon d’«inquiétante étrangeté», le film aurait gagné à rester aussi énigmatique et saisissant que le jeu de son acteur principal.