Depuis le succès de No Country for Old Men en 2007, les néo-westerns tournés à la frontière États-Unis-Mexique, le plus souvent par des cinéastes étrangers venus tenter l’aventure à Hollywood, ont le vent en poupe. Machete (Robert Rodriguez), Sicario (Denis Villeneuve), Le Dernier Rempart (Kim Jee-woon), et désormais Brothers (du cinéaste bollywoodien Vidhu Vinod Chopra), exploitent le filon avec plus ou moins de bonheur, célébrant l’univers des séries B, la violence débridée et la mythologie américaine fantasmée. Parmi les films mentionnés ci-dessus, Brothers fait figure de mauvais exemple. Recyclant de vieilles recettes de scénario à base de personnages hyper typés et de coups de théâtre qui ne surprennent plus, Brothers est un thriller baroque sans folie et sans surprise, une coquille vide qui brasse de jolies images, et dont les prétentions poétiques virent toujours au kitsch (un kitsch triste, pas le kitsch plein de vitalité de Bollywood), tout en se prenant trop au sérieux.
Un conte à dormir debout
Sur le point de se marier avec une belle Italienne et de mener une carrière prometteuse de violoniste à New York, Jakey retourne dans son Texas natal après huit ans d’absence pour y revoir son frère Buddy. Ce dernier, fragile, se fait manipuler par un chef de gang qui l’emploie comme tueur. Jakey se retrouve rapidement engagé dans une guerre de gangs à la frontière du Mexique. Même si Vidhu Vinod Chopra déploie une mise en scène qui se veut onirique, avec des dispositifs qui lorgnent parfois vers le surréalisme, à l’image de ce cheval blanc qui pénètre à l’intérieur du ranch, rien ne nous donne envie de croire en son conte, à la fois rocambolesque et dénué d’humour. La première faiblesse du film est de réduire les rapports entre les personnages à quelques mécanismes psychologiques grossiers. Les relations entre les personnages se retrouvent figées dès le prologue: telle réplique symbolise la complicité entre Buddy et Jakey, tel geste désigne l’emprise psychologique du chef de gang sur Buddy, etc. Le reste du film ne fait que marteler ces leitmotive qui dépossèdent les personnages de leur mystère et rendent l’histoire terriblement prévisible.
Enfin, le manichéisme très premier degré (avec Vincent D’Onofrio comme incarnation du mal absolu) enlève aussi tout espoir de nuances et d’ambiguïtés. Le côté méta, bien trop scolaire (le quartier général des gangsters est un cinéma qui diffuse de vieux westerns en noir et blanc), surligne inutilement les influences du film, sans la moindre ironie. En effet, au-delà de l’interprétation falote de Chris Marquette et Anton Yelchin, c’est bien le manque de second degré qui plombe le film. Machete était justement appréciable car il instaurait une distance avec sa propre matière fictionnelle en pastichant les séries B des années soixante-dix. De Niro dans son rôle de bad guy incarnait là un vrai personnage de comédie, à l’inverse de D’Onofrio qui, dans Brothers, ne provoque rien, ni la peur ni le rire.