Depuis l’excellente surprise J’ai rencontré le Diable de Kim Jee-woon, on attendait fébrile le retour de Schwarzy sur grand écran, imaginé par le Coréen frappadingue. Un shérif vieillissant aux prises à un Pablo Escobar version mexicaine, des grosses cylindrées tunées comme des Airbus, une poignée de personnages redneck à souhait : sur le papier, Le Dernier Rempart a de quoi faire saliver les nostalgiques des films bourrins, explosifs et testostéronés des années 1980. Mais Papy Terminator peut-il encore tenir sur ses larges épaules un actioner ? Rien n’est moins sûr.
À Sommerton Junction, bourgade frontalière avec le Mexique, tout le monde aime le shérif Ray Owens (Arnold Schwarzenegger). Disponible (il n’hésite pas à visiter ses ouailles la nuit pour vérifier que tout va bien), souriant (quelle mâchoire !) et très bien intégré à la communauté (Ray est venu chercher la quiétude après une carrière brillante dans la brigade des stups de L.A.), le shérif est rangé des bagnoles. Mais l’évasion à Las Vegas d’un caïd mexicain va quelque peu déranger ses petites habitudes. Au volant d’une Corvette bobybuildée, le chicano, bien décidé à rallier son pays au plus vite, a décidé de traverser la petite ville tranquille. Mal lui en a pris.
Quand on pense qu’il aura fallu trois scénaristes pour boucler cette histoire maintes fois rebattue (une crise dans un milieu inadapté, un héros providentiel, des rebondissements narratifs convenus et un happy-end), on se demande lesquels ont dormi pendant l’écriture (les trois sans doute). Car le point névralgique du Dernier Rempart est sans conteste son scénario bancal et sans surprise. Misant tout sur la présence de l’impassible Schwarzy (il a tout de même construit sa carrière sur des rôles quasi mutiques), les scénaristes ont vraisemblablement choisi de laisser voguer la galère. À cette absence structurelle, vient s’ajouter la paresse criante du réalisateur Kim Jee-woon, qu’on avait connu plus inspiré (Deux Sœurs, A Bittersweet Life, J’ai rencontré le Diable). Les séquences mettant en scène la fameuse Corvette lorgnent vers l’épilepsie scopique d’un Michael Bay (montage syncopé, zooms abrutissants, découpage illisible), l’humour en moins. Les complices du Mexicain, méchants caricaturaux, construisent dans leur coin (en vingt-quatre heures !) un pont reliant les deux pays, tout en défouraillant les autochtones insoumis (beaucoup de violence pour peu d’effet). Quant à l’équipe montée par le shérif, on pourrait en rire, si le réalisateur avait assumé un tant soit peu leur ridicule. Une fliquette maladroite qui se métamorphose progressivement en flingueuse avertie, un redneck débile collectionneur d’armes illégales, un policier qui n’a pas couru un sprint depuis les années 1970 et un justiciable quelconque, prêt à en découdre (pour reconquérir la fliquette), autant dire que la brochette fait peine à voir. Alors que la coupe du spectateur est déjà quasi pleine, Le Dernier Rempart ajoute encore une corde à son arc, avec le personnage de l’agent du FBI (Forest Whitaker), plein de mépris à l’égard du shérif de Plouctown, et rejouant ainsi la partition archi-connue du FBI versus police.
La confrontation finale entre Ray et le caïd est à la hauteur de ce qui précède. Le combat à mains nues est ainsi découpé de façon à faire croire que Schwarzenegger parvient encore à dénuquer un homme à 65 ans. Coquetterie inadaptée (et inefficace), cet artifice joue le premier degré, là où l’humour aurait pu tirer la scène vers le haut. Mais tout est bien qui finit bien, et tout ce petit monde, bras dessus bras dessous, finit au café du coin en se racontant des blagues, pendant que le Mexicain regagne sa geôle. On ne sait s’il faut en rire ou en pleurer, mais Le Dernier Rempart, à trop tirer sur les clichés, ne présage rien de bon pour le futur cinématographique de Schwarzy, trop vieux pour rendosser sérieusement ses rôles d’antan.
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