Camping sauvage est tiré d’un fait divers: l’histoire d’une passion qui tourne mal au bord de la mer. Le ton est souvent juste, les personnages bien campés, le scénario rondement mené. Malheureusement, l’autorité naturelle de Le Besco et de Lavant déborde la mise en scène et dilue la gravité du film.
L’histoire, on peut la raconter simplement: un homme, une femme, et cætera. On peut même se contenter de dire: Le Besco et Lavant, Camille et Blaise. Ou encore: Camille, sensuelle et mal dans ses baskets, campe dans les Landes avec ses vieux cons de parents (on salue au passage le jeu de Demaret et Guérin). Elle y rencontre Blaise, un avorton louche prof de voile. Leur histoire d’amour naît d’abord de l’imaginaire des campeurs: on soupçonne ces deux-là de chafouiner ensemble. C’est à partir de ces suspicions que se met en route la machine infernale. Camille et Blaise font d’une pierre deux coups: tombent amoureux et se tuent à petit feu.
Le scénario de Camping sauvage procède avec une habile perversité. Le décor est planté: des pins menaçants malgré le soleil qui tape, des tentes et des paires d’yeux qui observent, manigancent et ragotent et surtout une beauté indolente désirée de tous. C’est dans cette ambiance sensuelle et explosive qu’éclot l’histoire d’amour provoquée (vous l’aurez compris) par des campeurs médisants, trop heureux d’agiter l’épouvantail de l’Interdit et du scandale. Camille est belle, Blaise laid comme un poux, il est vieux, usé, elle est fraîche et jeune. Tous deux par défi, dans un élan de transgression, se jettent dans la gueule du loup. Pour que l’effet soit glaçant, un peu dégoûtant, il fallait un couple infernal qui mette mal à l’aise. Il fallait deux corps appelant l’excès et le contraste. Bonne intuition d’unir Le Besco charnue/biscornue et Lavant crevette virile aux pieds nickelés.
Malheur! Pourtant la dernière partie du film est un grand ratage. Comme si l’exubérance des deux acteurs et l’implacabilité du scénario avaient tourné la tête aux réalisateurs. La mise en scène de la première partie contrecarrait l’excès naturel des comédiens par une lenteur, une langueur dans le mouvement, malgré la caméra à l’épaule. La deuxième partie se laisse prendre au piège: les acteurs débordent le film et ne sont plus que de vagues caricatures d’eux-mêmes. L’exubérance se mue en mauvais goût et la mise en scène tourne au vinaigre (hurlements, sang, danses macabres). On se réveille. On se rappelle qu’on est au cinéma, que les personnages sont des acteurs et que c’est l’histoire d’un fait divers. On oubliera vite.
Alors voilà, Camping sauvage c’est finalement l’histoire d’Isild Le Besco et de Denis Lavant qui font un putsch et balancent les deux capitaines à la mer.