Afin de saisir le projet qui anime Clara Sola, on peut partir de sa scène d’ouverture : perdue au cœur de la forêt costaricaine, Clara communique avec son cheval Yuca par des gestes tous filmés en gros plans. Portrait d’une femme dotée de pouvoirs magiques, le premier film de Nathalie Álvarez Mesén dessine les linéaments d’un espace invisible à l’œil nu, uniquement perceptible par l’héroïne lors de ses transes. Prise pour une réincarnation de la Vierge par les habitants de son village, Clara traverse le récit à la manière d’une illuminée recluse dans sa cabane, ses pouvoirs extrasensoriels l’ayant rendue ultrasensible. La trajectoire du film se révèle à cet égard celle d’une femme apprenant à découvrir son corps (la masturbation, prohibée par la mère de l’héroïne, tient une place importante dans cet apprentissage), mais aussi celui des autres. Pour donner à voir ce processus d’ouverture au monde, la mise en scène se met au diapason de l’union entre l’héroïne et la nature qui l’environne, par exemple lors de scènes évoquant le souvenir de Phenomena de Dario Argento où la caméra prend le point de vue d’insectes que suit Clara pour se repérer dans la forêt.
Ambitieux, ce programme bute toutefois sur les limites de l’écriture qui, dans son détail, ne parvient pas tout à fait à rendre compte de cette unité cosmique. En atteste une courte scène, vue à travers les yeux de Clara, où cette dernière, en extase, caresse son visage avec du linge, avant qu’un plan large ne vienne filmer de loin son comportement étrange. Autrement dit, le film alterne entre des fragments en focalisation interne (le plus souvent filmés en courte focale), et des plans larges répétant à l’envi le motif de la caresse. S’attelant d’abord à retranscrire les sensations corporelles de son héroïne, au premier rang desquelles le toucher, Clara Sola figure ensuite l’irruption d’un désir voyeuriste, notamment lorsque Clara espionne sa nièce en train de coucher avec son petit ami. Moins passionnant, ce dernier mouvement ménage certes quelques très beaux fragments (cf. le champ-contrechamp face à une statue de la Vierge en feu, où les flammes semblent émaner du regard de l’actrice), sans tout à fait atténuer la dimension parfois indolente de la mise en scène.