Aspirant avocat d’origine maghrébine, Mehdi est promis à un bel avenir. Alors qu’il est invité pour les vacances dans la somptueuse villa de ses beaux-parents, Philippe et Laurence, il est témoin du conflit ouvert qui oppose ces derniers à Nadine et Toni, leur couple de gardiens. L’objet du litige ? Les indemnités qu’ils réclament après des années à travailler au black, mais aussi à subir les vexations et le mépris de leurs employeurs. Le film débute par une scène d’humiliation qui met le feu aux poudres : convié à nettoyer les canalisations de la maison le jour des vingt ans de sa fille, Tony est littéralement recouvert de merde après que Laurence a ouvert l’évacuation d’eau de sa cuisine, sans égard pour son employé. Détournement scatologique du principe du « ruissellement », les excréments ont ici valeur de retour du refoulé, révélant la véritable nature des relations entre maître et serviteurs. Le scénario s’engage alors dans une logique de crescendo jusqu’au point de rupture, à l’image de son générique d’ouverture, qui montre un évier se remplir, déborder et inonder la cuisine de la villa.
Plus qu’une comédie sur la lutte des classes, Classe moyenne prend ainsi l’apparence d’une farce grotesque où les répliques vachardes et le comportement odieux des personnages cèdent la place à une violence plus profonde. Le plaisir que l’on tire de ce jeu de massacre, renforcé par l’abattage de son quatuor de comédiens (Laffitte, Bouchez, Calamy et Bédia), est toutefois tempéré par le choix d’adopter le point de vue de Mehdi, transfuge de classe et unique figure positive du récit. Parce qu’il est issu d’une famille modeste, il se propose rapidement de servir d’intermédiaire entre les deux parties afin de trouver un terrain d’entente. Au diapason de cette figure « centriste », Cordier adopte alors une mise en scène trop sage, évoquant plus souvent le modèle du téléfilm de luxe que celui de la comédie grinçante, ce dont témoigne le tournant mal négocié vers le grand-guignol. En découle le sentiment d’un film plutôt manqué, dont les éclats comiques reposent exclusivement sur la qualité de l’interprétation et l’efficacité de quelques répliques.