Récit épistolaire entre la France et le Mali, Correspondances met en scène des femmes maliennes de Kayes et de Bamako, et d’autres Maliennes, immigrées en France. Le dispositif filmique présente certes quelques limites, mais le film présente une force de témoignages intéressante.
Si les sociétés africaines, si différentes soient-elles d’un bout à l’autre du continent, ont bien au moins une forte similitude, c’est l’engagement des femmes pour leurs droits et ceux de leurs concitoyens. Souvent isolées, elles sont les actrices, par leur travail associatif, éducatif ou tout simplement par ce qu’elles sont, de progrès politiques, sanitaires ou sociaux. Elles n’ont en revanche que peu d’espaces où exprimer leur parole. Laurence Petit-Jouvet, forte d’une sensibilité africaine forgée par une partie de son enfance vécue au Cameroun puis par des études de géographie dans les années soixante-dix, s’est emparée de ces figures féminines pour construire un dialogue par-delà les frontières. Le dispositif de Correspondances est simple : des femmes de la diaspora malienne de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, s’adressent dans une « lettre filmée » à une personne de leur choix, vivante, décédée, voire fictive. Les femmes de Kayes et de Bamako s’en inspirent ensuite librement pour réaliser à leur tour leur propre « lettre ».
La valeur de Correspondances réside avant tout dans l’expérience de sa fabrication, par les liens qu’elle tisse, puis par la force des témoignages engrangés. Toutes les femmes présentes à l’image ont participé à toutes les étapes de la réalisation du film, via des ateliers de création audiovisuelle en France et au Mali. Il y a cette femme mécanicienne, issue d’une lignée de femmes qui se sont construites contre certains codes imposés par une société malgré tout dominée par les hommes. Cette jeune ayant construit toute sa vie en France, s’opposant à sa mère, et revenant dans cette lettre sur les valeurs qu’elle a fondées contre la figure maternelle. Ou encore ces deux autres, l’une en France, l’autre au Mali, engagées contre les violences faites aux femmes.
Construit sur des va-et-vient entre la France et le Mali, le rythme du récit est dicté par la forme épistolaire. Il en découle une impression un peu répétitive, heureusement rattrapée par la courte durée du film (moins d’une heure). Bien sûr, un film tel que celui-ci ne révolutionnera pas la mise en scène. Mais, pour peu qu’on veuille bien se laisser happer par les lettres de ses femmes, Correspondances nous en apprend certainement bien plus sur un pan de l’Afrique oublié de nombre de reportages télévisés, au profit d’une image mutilée par le prisme des guerres, des épidémies, et de la misère.