Les Films Magiques, qui organisent depuis seize ans les fameuses Nuits magiques dans la région de Bordeaux, ont eu un jour la bonne idée de réunir des films d’animation venant de pays divers, de genres divers et réalisés autant par des étudiants en animation que par des réalisateurs plus chevronnés. Les distributeurs ont souhaité avant tout de l’innovation et de la qualité pour cette programmation hétéroclite. Malheureusement, cet alliage ne fait pas d’étincelles magistrales et la série finit par ennuyer malgré la qualité qui se dégage de quelques courts métrages.
Il ne sert à rien de revenir pour la énième fois sur le problème que pose un programme de courts métrages. Forcément, certains films sont intéressants, et d’autres, mal de la comparaison qui s’impose, beaucoup moins. Le choix évidemment interpelle, questionne : une thématique commune ? Une technique commune ? Ici, point n’en faut, les techniques sont diverses, de la 2D à la 3D en passant par l’encre sur papier, les marionnettes et la pâte à modeler. Quant au fil conducteur, il se pourrait que « les rencontres et les retrouvailles » unissent ces 8 petits films. Hétéroclite est bien le maître mot de cette série d’où se dégagent surtout les films en dessin animé et en volume. La 3D, elle, est bien décevante et les trois courts, Plasticat, Versus et Ego, n’arrivent absolument pas à convaincre, émouvoir, amuser, provoquer : du scénario au graphisme, un manque certain de maturité parcourt ces œuvres.
Les autres films méritent plus d’attention et dissimulent quelques trouvailles scénaristiques ou visuelles qui valent d’être mentionnées. Un petit court coquin (La Lupe i el Bruno, Marc Riba et Anna Solanas, Espagne) conte l’histoire d’une fillette qui aimerait bien que le garçonnet qui attend le bus avec elle l’embrasse. Sur cette trame inoffensive se tisse un discours plutôt provocateur. Les marionnettes sont joliment travaillées à l’encontre du décor qui est d’une fixité frustrante mais qui sied forcément à l’attente de Lupe.
Handshake (Patrick Smith, États-Unis) est d’un fantastique canaille et en dessin animé met à l’image une jeune fille et un jeune homme qui attendent ensemble le bus et font connaissance. Ils se serrent alors la main et s’emmêlent l’un à l’autre de façon surréaliste. Une bagarre caoutchouteuse s’en suit qui voit la jeune fille, nouvelle mante religieuse, dévorer son camarade.
De l’encre sur papier pour un psychodrame allemand : Morir de Amor (Gil Alkabetz) et pour une évocation plutôt réussie de souvenirs qui vont provoquer la mort d’un vieux monsieur. Et tout cela à cause de deux perroquets irascibles qui ne font que répéter, répéter, et répéter « Morir de amor » avec la voix de Charles Aznavour. Entre un noir et blanc désuet pour être au présent et des couleurs chatoyantes pour évoquer le passé, ce petit court possède des qualités graphiques chaleureuses.
La Méthode Bourchnikov de Grégoire Sivan (France) frôle l’excellence avec de vraies idées scénaristiques mais des dialogues peu convaincants au vu des situations drôles et rocambolesques. L’animation, elle, est réussie, touchante, impertinente et toutes ces pâtes à modeler peuvent faire rougir beaucoup de films en images de synthèse. L’histoire est d’ailleurs truculente de références cinématographiques : le réalisateur Roman Goübrick vient de mourir en laissant achevé son dernier film. Son fils, 25 ans plus tard, décide de finir ce que son génie de père avait commencé. Une quête à la recherche du paternel et de ses propres racines entrecoupées d’interviews d’actrice, de chef op’, d’ingénieur du son qui racontent leur Roman Goübrick. Catherine Jacob, Lorànt Deutsch, Daniel Prévost, Pascale Clark prêtent alors leur voix à cet hommage au cinéma.
Finalement, c’est Une histoire vertébrale de Jérémy Clapin, déjà repéré l’année passée au festival de Pontault-Combault qui sort du lot. En 2D, dans un dégradé de tons gris, c’est le récit d’un homme qui désespère de ne trouver sa compagne. Il a une anomalie physique qui l’empêche de relever sa tête et il reste le regard rivé au sol. Il lui faut donc une petite amie qui sera faite exactement pour lui et qui aura, elle, le regard levé au ciel. De l’émotion sur une trame narrative simpliste avec un graphisme qui sert les deux personnages, deux angles droits finalement.
Malgré la frustration inhérente à ce genre de programmes, Courts toujours ! mérite de l’attention en attendant la cuvée prochaine et en espérant que cette dernière reflétera le meilleur de la production future.