Pour son cinquième long-métrage, la réalisatrice Danièle Thompson reprend le genre du film choral qui a marqué la quasi-totalité de sa filmographie à l’exception de Décalage horaire, lequel explorait déjà la comédie sentimentale à travers la question de la différence socio-culturelle. Cependant, malgré le renouvellement du casting et son gage (relatif) de succès en salles, toute recette filmique est-elle toujours bonne à reprendre ?
Pas facile de s’entendre entre frères lorsque tout (ou presque) nous oppose ; métier, ville, train de vie, potes et même religion. Tel est pourtant le gouffre fraternel qui désunit Zef, violoniste de renom installé à New-York et Roni, un riche industriel ayant fait subitement fortune dans la marchandisation de pierres précieuses. Lorsque la femme du premier meurt mais qu’au même moment le second doit marier sa propre fille, commence alors une série de retrouvailles, de déceptions et d’engueulades qui vont marquer provisoirement les destins de chaque personnage, sceller certaines histoires amoureuses et en inaugurer d’autres.
De la famille en veux-tu en voilà ; Danièle Thompson ne déroge pas à son thème de prédilection, qui lui permet une nouvelle fois d’articuler le genre du film choral avec les séparations et les retrouvailles incessantes d’une même famille. Alors que dans ses précédents films l’élément catalyseur de la rencontre pouvait être une bûche de Noël (La Bûche), un Café des Théâtres (Fauteuils d’orchestre) ou encore le débrief d’un dîner entre amis (Le code a changé), Des gens qui s’embrassent développe un chassé-croisé autour d’événements marquants de la vie familiale ; la mort d’une épouse, l’hospitalisation d’un père âgé… Une plus grande variété d’éléments dramatiques qui permettent alors au film choral d’explorer les relations familiales à travers un chapitrage défini en fonction des saisons, donnant à la réalisation l’illusion (dispensable) d’une durée de film-« fleuve ».
Si la famille trouve donc ici des facteurs de dispersion plus nombreux que dans les autres réalisations de Danièle Thompson, elle n’en demeure pas moins décrédibilisée par un traitement superficiel des situations dramatiques, qui virent rapidement à une compilation d’événements à la fois attendus et terriblement grotesques. Choisissant d’explorer le clivage familial par le prisme de la différence culturelle et individuelle, la cinéaste ne fait que reproduire les stéréotypes de la comédie populaire. Du côté des musiciens, on ne vit forcément que pour l’amour de l’art, on est amoureux de l’humilité et de la rigueur religieuse, et on récite des trésors littéraires à tout bout de champ. Du côté des riches industriels, on passe les vacances à Saint-Tropez, on dépense sans compter, et on aime voir les choses en grand. Une opposition extrêmement schématique et répétitive, qui désamorce donc le dispositif comique du film ainsi que le mince intérêt dramatique des personnages, réduits à la fonction de simples archétypes de classes sociales prétendument opposées.
La direction des comédiens ne parvient pas à sauver la crédibilité de ce chassé-croisé familial et amoureux, cantonnant les acteurs à des images surfaites, elles-aussi trop exploitées ; Max Boublil incarne sans surprise un jeune homme romantico-dragueur, tandis qu’Éric Elmosnino reprend le rôle d’un musicien lunatique. En incarnant deux femmes à la fois, Valérie Bonneton parvient cependant à tirer son épingle du jeu et à apporter un certain élan à la deuxième partie de la réalisation, qui exploite la surprenante et fantaisiste résurrection de l’un des personnages. Dommage que cette intrusion du fantastique soit si tardive au sein du film, car elle propose certainement la meilleure piste de renouvellement d’un genre qui semble définitivement parvenir, entre les mains de la réalisatrice, à un certain état d’épuisement.