Après l’intéressant La Bûche, le gentillet Décalage horaire et l’effroyable Fauteuils d’orchestre, Danièle Thompson, brillante scénariste chez les autres (de La Grande Vadrouille à Ceux qui m’aiment prendront le train), mais médiocre réalisatrice, persiste et signe. Auto-proclamée spécialiste du film choral à la française, elle réunit encore une fois la fine fleur des stars du cinéma hexagonal autour d’un film aussi creux que son discours : on ne change pas si facilement les codes d’un genre qui fait recette au box-office.
« Le point de départ était d’imaginer ce qui se passe dans les coulisses d’une soirée entre amis. On arrive tous avec des bagages qu’on met de côté pour préserver les apparences, pour rendre le moment supportable », explique Christopher Thompson dans le dossier de presse. Jusqu’ici, rien de bien folichon niveau scénaristique. Et puis quoi ? Et puis rien. L’idée du Code a changé (titre assez laid) s’arrête ici. Onze personnes sont réunies pour un dîner. On les voit un peu avant – caractérisation des personnages –, un peu après – conclusion des aventures de chacun –, mais quasiment tout se déroule lors du dîner. Lieu et temporalité presque uniques : le film a tout l’air d’une pièce de théâtre filmée, plutôt comédie de boulevard type Un air de famille que tragédie antique type Festen. Du Danièle Thompson tout craché.
Le drame du Code a changé est justement son principe même, la structure du film choral, qui repose essentiellement sur les bons mots et l’interprétation des comédiens quand il n’est pas filmé par le détenteur d’un véritable univers de cinéma (Arnaud Desplechin, pour ne pas le citer). Exit la caractérisation poussée des personnages : allons droit au cliché puisque chacun n’a pour se faire connaître qu’une quinzaine de minutes. Exit aussi les expériences de mise en scène : plutôt que de chercher un moyen de filmer intelligemment un huis clos, de rendre l’atmosphère irrespirable, d’accentuer l’oppression de la tablée, Danièle Thompson passe d’un personnage à l’autre, d’une discussion à l’autre, dans ce que l’on pourrait qualifier de « brouhaha visuel », structure récurrente de la comédie de mœurs française. Tout s’emmêle dans une cacophonie insupportable. Trop d’histoires (d’amour, de boulot, de famille), trop de changements d’atmosphère, trop de coupures sèches au montage : c’est le serpent des digressions inutiles (flash-backs ou flash-forwards) qui se mord la queue. On sort du Code a changé la tête vide, sans se souvenir de grand-chose, sans avoir compris à quoi bon tout ce raffut.
Même les dialogues, pourtant spécialité du duo mère/fils, tombent à plat dans la bouche de comédiens pas toujours convaincus, ni convaincants, aussi mal à l’aise dans leur rôle que leurs personnages à ce dîner. Passent encore Emmanuelle Seigner et Patrick Bruel, inexpressifs comme à leur habitude, ou Dany Boon qui, sans son accent ch’ti, perd beaucoup de sa personnalité, mais on aurait attendu mieux de Marina Hands ou de Karin Viard. Il y a bien une scène de danse assez réussie entre Pierre Arditi et Patrick Chesnais sur fond de Platters, mais la seule qui parvient réellement à tirer son épingle du jeu est Marina Foïs. Génialement pathétique dans son personnage récurrent de looseuse déprimée, la voici réinventant ses répliques pour en faire des morceaux de choix qui dans sa bouche semblent être des sommets de comédie (il faut la voir à l’église, s’adressant à Jésus de sa voix nasillarde inimitable : « Mon Dieu, donnez-moi la force d’aller à ce dîner qui me fait chier au-delà de tout ! »). La comédienne parvient ainsi à être sa propre meilleure directrice d’acteur. Tiens, une idée : Marina, pourquoi ne pas passer derrière la caméra ? Au moins, c’est sûr, quelque chose pourrait changer.