Pour son premier long-métrage de fiction, Nicolas Castro, habitué du documentaire télé et féru d’archives audiovisuelles, imagine le parcours de deux frères aux convictions divergentes, l’un journaliste, l’autre communicant, du 10 mai 1981 au 21 avril 2002. Kaléidoscope mémoriel de la « génération Mitterrand », Des lendemains qui chantent entremêle la fresque politique et sociale au récit romantique, avec l’ambition de retrouver l’humour grinçant d’une comédie à l’italienne.
Le tourbillon de la vie
À travers les personnages de Léon (Pio Marmaï) et Olivier (Gaspard Proust), Des lendemains qui chantent entend parcourir les années 1980 et 1990 pour construire le portrait ambivalent de la gauche française à l’épreuve du capitalisme et revenir sur les temps forts d’une société en mutation (de la naissance de SOS Racisme à la victoire « black-blanc-beur » de l’équipe de France de football). Voilà donc un projet dont la structure lorgne du côté de Nos meilleures années (Marco Tullio Giordana, 2003) et de Nés en 68 (Olivier Ducastel et Jacques Martineau, 2008). Le film de Nicolas Castro n’a pas la finesse narrative du premier et reproduit les maladresses du second par ses dialogues appuyés et ses personnages caricaturaux (comme Ramzy Bedia dans un rôle de faire-valoir lourdingue). Loin de la durée fleuve de ces films conçus pour la télévision et diffusés en salles, Des lendemains qui chantent peine à faire tenir vingt ans d’histoire en une heure trente, d’autant plus que le récit s’égare dans des clins d’œil ludiques réduisant une époque à des clichés gras (des Coco-girls au Minitel rose). Portrait antagoniste de deux frères incarnant des versants de l’histoire politique et sociale de leur pays, il n’est pas sans rappeler non plus Mon frère est fils unique de Daniele Luchetti, dont il reproduit l’impasse réflexive dans un contexte différent. Parcourir l’histoire nationale à travers l’histoire individuelle, un refrain bien connu, mais toujours très difficile à jouer juste.
Avec le temps va, tout s’en va
On devine les bonnes intentions et l’on sent aussi les compromissions de Nicolas Castro avec son sujet politique, mâtiné d’humour et de quelques scènes un peu potaches pour rendre « sexy » un projet peut-être jugé trop sérieux par ses financeurs… Il en résulte un film au style et au ton bâtards, la gestion de différents niveaux de narration – politique, historique et romantique – se heurtant à la recherche d’une ironie difficile à calibrer. Les choix amusants, parfois même subtils, des images d’archives, laissent pourtant percer le regard critique du réalisateur sur son époque : celle qui voit le développement d’un rapport contrarié et pervers entre politiciens et médias, ou la naissance d’une starisation des hommes de pouvoir, dans une période « pré-bling-bling », déjà clinquante. Le film cherche à éviter le prosélytisme en éclaboussant les politiques dans leur ensemble, droite et gauche confondues, bien qu’il décrive les espoirs et les désillusions d’une génération qui a cru au potentiel de la gauche. La proposition d’analyser les évolutions du socialisme français, par la biais de la fiction et avec le recul du temps, s’affichait comme une entreprise louable, voire utile. Mais elle vient en fait s’enchâsser dans une reconstitution culturelle, sociale et médiatique, un peu fourre-tout, par le prisme d’un récit d’apprentissage naïf et ponctué de punchlines à l’efficacité aléatoire. Le problème est simple : Des lendemains qui chantent veut être trop de choses à la fois et finit par ne plus rien incarner…