Encore peu connu du public français, le documentariste iranien Mehrdad Oskouei – par ailleurs photographe – compte pourtant déjà une dizaine de films à son actif et jouit d’une reconnaissance importante au plan international. Des rêves sans étoiles arrive ainsi dans les salles françaises auréolé de nombreux prix, notamment le prix Amnesty International décerné lors de la Berlinale 2016. Faisant pendant à son film précédent (Les Derniers Jours de l’hiver, sorti ici en 2012), qui prenait pour sujet une maison de correction pour adolescents, ce nouveau film s’attache à capter la vie au quotidien dans un centre de détention et réhabilitation pour mineures à Téhéran. Inutile de dire qu’il a fallu beaucoup de patience et d’obstination à Mehrdad Oskouei pour convaincre les autorités iraniennes de lui permettre de mener à bien ce projet. Au terme d’un long processus, il a fini par obtenir l’aval, en promettant de ne pas montrer le film à la télévision iranienne.
Rigueur attentive
Après avoir gagné la confiance des responsables du centre, il restait encore au cinéaste à gagner celle des jeunes filles qui y sont incarcérées. Il y est parvenu en faisant preuve de patience autant que de délicatesse. Ces deux qualités essentielles se perçoivent tout au long du film à travers la rigueur attentive de la mise en scène, qui se fonde sur un rapport frontal au réel, et la douceur de la voix de Mehrdad Oskouei, qui n’apparaît jamais à l’image mais que l’on entend à intervalles réguliers poser des questions hors champ aux jeunes filles. Celles-ci ont entre 15 et 17 ans, s’appellent Khatereh, Ghazal, Somayeh ou Hasrat. La plupart ont été condamnées pour vol et/ou détention de drogue (l’une pour le meurtre de son père) et ont subi des maltraitances, parfois des violences sexuelles, dans leur milieu familial. Certaines sont déjà devenues mères…
Pour construire son film et lui donner un fil dramaturgique, Mehrdad Oskouei se concentre sur quelques-unes des jeunes filles, nous amène à découvrir leur histoire personnelle et à suivre leur vie dans le centre de détention jusqu’à une possible libération. Des rêves sans étoiles alterne ainsi entretiens avec les détenues et scènes du quotidien (repas, jeux, visites de proches, dialogues avec un imam, etc.), le film se déroulant en majorité dans la grande salle qui sert à la fois de dortoir et d’espace commun. À la manière de Frederick Wiseman, qu’il cite comme une influence majeure, Mehrdad Oskouei n’ajoute aucun commentaire et ne livre aucune information extérieure : le réel est livré tel qu’il a été saisi par le cinéaste, en usant principalement de plans fixes, sans musique off – hormis à la toute fin, empreinte d’une mélancolie diffuse.
Juste distance
Si le réel que reflète Des rêves sans étoiles est loin d’être gai, le film parvient néanmoins à n’être ni sinistre ni accablant car Mehrdad Oskouei a su trouver la juste distance pour appréhender ce réel. A rebours de tout dolorisme moralisateur, il ne cherche pas à juger ou à dénoncer mais bien plutôt à décrire et à comprendre. Abordant sans regard surplombant ces jeunes filles profondément meurtries, recueillant avec une empathie discrète leurs témoignages douloureux, les observant continuer à vivre malgré l’ombre du désespoir (et parfois l’indifférence de leur famille), il en offre un portrait à la fois minutieux et vivace, empli d’humanité.