Les Derniers Jours de l’hiver, du réalisateur iranien Mehrdad Oskouei, pousse les portes d’une maison de correction pour mineurs à Téhéran. Ce film dont la réalisation souffre de quelques carences aborde de manière frontale l’Iran d’aujourd’hui en donnant la parole à des gamins « délinquants » certes mais qui font preuve d’une maturité déroutante.
Tourné pratiquement sans préparation (le réalisateur n’a eu le droit de rencontrer ses protagonistes que deux fois deux heures avant le début du tournage), Les Derniers Jours de l’hiver, est un film pris sur le vif dont la réalisation a été déterminée par les contraintes de la « prison ». En résulte une œuvre fragile au niveau de sa forme – pauvreté de l’image et du cadrage et peu de mise en scène à proprement parler – mais dont la limite se voit compensée par la teneur des propos des enfants qui se livrent littéralement à la caméra.
La nature du projet – tourner deux semaines dans une maison de correction pour les moins de quinze ans à Téhéran – imposait un double défi. D’une part, rester dans une dynamique de tournage suffisamment spontanée pour capter, parmi le flot de paroles et de mouvements, des moments uniques et immédiats ; en témoigne la séquence totalement improvisée où les enfants jouent au tribunal en évoquant leur propre délit dans un respect de la procédure assez loufoque, ce qui donne lieu à une joyeuse mise en abyme qui n’est pas sans rappeler le procès de Close-Up de Kiarostami. D’autre part, créer des plages d’attention plus longues pour prendre le temps de nouer une vraie relation avec les protagonistes afin qu’ils puissent évoquer sans ambages leurs délits, leurs regrets et leur nostalgie d’un foyer, en s’adressant au réalisateur présent en off.
Ce que le film donne à voir (là réside son principal intérêt), c’est la qualité de la parole de ces ados lorsqu’ils évoquent leur parcours. Au-delà du caractère burlesque de ces petites frappes – certains s’adonnent à des imitations et autres numéros remarquables – ils parviennent à dispenser un discours surprenant de lucidité sur leur situation. Avant le délit (vol et consommation de drogues pour la plupart), leur condition était des plus précaires, plusieurs souffrant de la maltraitance de leurs parents. En raison de l’absence de structures adéquates, les chances de réinsertion de ces enfants semblent quasi nulles. La place impartie aux témoignages face caméra offre le temps nécessaire pour que le récit de leur existence se déploie et dépasse la narration des faits pour atteindre une dimension humaine et spirituelle. Ces gamins, pris d’un profond sentiment de repentir et faisant très souvent référence à Dieu, semblent être conscients tant de leur situation que de la souffrance que leurs actes peuvent causer à leurs proches.
En s’attachant aux thèmes qui ont fait les beaux jours du cinéma iranien de fiction (l’enfance, l’éducation, le parcours initiatique), Les Derniers Jours de l’hiver met en lumière des témoignages précieux mais souvent occultés : ceux des délinquants. Cette rareté, ainsi que la pertinence de leur discours et de leur regard sur eux-mêmes, nous font d’autant plus regretter les limites formelles du film qu’on ne peut les imputer uniquement aux contraintes du tournage. Mais ces faiblesses n’annulent pas la validité du geste cinématographique : un geste généreux et spontané qui tend vers ses protagonistes.