Diane a les épaules : en voilà, un joli titre… Diane est une femme indépendante, bordélique, grande gueule et têtue, mais que ce soit pour retaper une maison ou assumer une grossesse pour son meilleur ami et son compagnon, elle semble en effet être suffisamment solide pour savoir ce qu’elle fait. En revanche, Diane n’avait pas prévu de rencontrer un mec qui serait autre chose qu’un plan cul. Et encore moins de se poser les questions que lui se pose à sa place : qu’attend-elle de l’amour et de l’avenir ? et cet enfant qu’elle porte, est-elle bien sûre qu’elle pourra en faire don aussi facilement qu’elle le prétend ? Diane a en effet de belles épaules, à la fois solides et délicates, mais qui peuvent se bloquer et parler à sa place quand les certitudes vacillent.
Il ne s’agit pas pour Fabien Gorgeart, dont c’est le premier long métrage, de dresser un énième portrait de femme des années 2010 en proie à des questionnements existentiels. Au contraire, l’intérêt de Diane a les épaules réside précisément dans le déni de l’héroïne face aux nombreux bouleversements qui viennent chambouler sa vie, et dont l’apparente nonchalance cache, on le devine, une grande fragilité. D’où vient, alors, ce sentiment que le film bégaye et ne sait pas dans quelle direction aller ? Sur le papier, les sautes d’humeur et l’intransigeance de Diane avaient peut-être du sens mais, à l’écran, les intentions du réalisateur se retournent contre son film. Diane apparaît moins comme un personnage en bute contre toute forme d’ordre qui pourrait lui apporter, paradoxalement, bonheur et apaisement, que comme une agaçante ado attardée dont les bouderies et les colères perpétuelles finissent par la rendre franchement irritante. À tel point que l’on en vient à questionner les motivations des personnages qui l’entourent, de son petit ami qui s’accroche à elle quand bien même elle le traite comme un chien, au couple d’amis gays qui l’ont choisie pour porter leur enfant alors qu’elle est d’emblée présentée comme l’antithèse du confort bourgeois qu’ils incarnent. Le film semble ainsi osciller en permanence entre plusieurs aspirations : la comédie dramatique, la satire, la rom-com, la chronique sociale… sans que ces pièces semblant provenir de plusieurs puzzles différents ne réussissent à s’assembler de façon convaincante.
Une autre femme
On sent bien une double volonté chez le jeune réalisateur. D’abord, croquer un personnage féminin très fort, reposant entièrement sur son épatante comédienne (Clotilde Hesme), qui parvient parfois à emmener le film vers une zone d’inconfort que ni le scénario, ni la mise en scène n’arrivent vraiment à exploiter. Mais aussi évoquer, par petites touches, un nouvel ordre du monde en questionnant les rôles traditionnellement dévolus aux futurs parents. L’ambition est louable, mais Fabien Gorgeart semble ne jamais vraiment savoir quoi faire de ses intuitions. Le déni de Diane sur ce que son geste peut potentiellement impliquer pour elle après l’accouchement est un sujet passionnant, que le réalisateur ne traite véritablement qu’à la toute fin, lors de deux très jolies scènes qui laissent entrevoir ce que le film aurait pu être s’il s’était un peu moins attardé sur les atermoiements amoureux de son personnage principal.
Autour de Diane/Clotilde Hesme, les seconds rôles peinent à exister : le film cultive une forme de hors-champ (plus la grossesse de Diane avance, moins le monde autour d’elle existe) qui est intéressant mais n’est pas suffisamment travaillé. Diane a les épaules semble être entièrement dicté par les errances de son personnage principal, et le réalisateur semble ne pas plus savoir qu’elle où il va. C’est d’autant plus dommage que l’excellent Fabrizio Rongione, dans le rôle du soupirant aussi sage et patient que Diane est capricieuse et agaçante, forme avec Clotilde Hesme un couple à la fois dépareillé et harmonieux, auquel le film, ambitieux mais brouillon, ne parvient jamais à rendre justice.