Jim Sheridan a longtemps berné le public et la presse, plutôt friands de ses drames irlandais à Oscars portés par Daniel Day-Lewis dans les années 1990, alors au sommet de son succès (My Left Foot, Au nom du père, The Boxer). Mais, de mélo douteux (In America) en mauvais remake (Brothers) en passant par l’improbable biopic consacré à 50 Cent (Réussir ou mourir), le réalisateur ne s’est finalement révélé, lors de son passage à l’industrie hollywoodienne, que tel le piètre faiseur qu’il avait en réalité toujours été. Avec Dream House, il tutoie néanmoins des profondeurs que l’on ne l’imaginait tout de même pas atteindre aussi rapidement : pour réaliser une chose pareille, il faut soit être totalement manipulé par des producteurs en roue libre, soit être devenu complètement sénile.
Dans cette triste affaire, le plus consternant est que des acteurs plutôt estimables (Daniel Craig, Naomi Watts, Rachel Weisz) se soient laissés embarquer dans une telle galère. Soit l’histoire d’un beau couple qui emménage, avec ses deux adorables petites filles, dans une jolie maison quelque part dans l’État de New York, pour se rendre compte rapidement qu’un meurtre atroce y a été commis quelques années plus tôt. Madame a peur, Monsieur commence à avoir des visions, et la voisine sait quelque chose. Attention, il se pourrait bien que tout soit plus compliqué qu’il n’y paraît. À la manière du Sixième sens de Shyamalan ou des Autres d’Amenábar, qu’il photocopie de manière éhontée, le film abuse de twists scénaristiques qui ne surprendront que ceux qui n’ont pas mis les pieds dans une salle de cinéma depuis quinze ans. Difficile en réalité de ne pas découvrir le pot-aux-roses dès les vingt premières minutes du film, tant l’ensemble est traité en pilotage automatique. Sheridan ne tente même pas de faire semblant de se poser des questions de mise en scène (pour un film qui repose sur le suspense, c’est un petit peu court) et les comédiens, visiblement atterrés par ce qu’ils sont en train de jouer, affichent l’air contrit de ceux qui espèrent qu’une telle catastrophe ne fera pas trop tache dans leur filmographie. Certains y trouveront peut-être matière à rire, au second ou au troisième degré ; pourtant, quand on pense aux sommes engagées pour produire et promouvoir pareille chose, il y a plutôt de quoi pleurer.