Second long-métrage et seconde collaboration avec Mélanie Laurent pour la jeune réalisatrice Jennifer Devoldère (après Jusqu’à toi en 2009), Et soudain tout le monde me manque se veut une comédie légère (mais profonde) où l’on rit (mais où l’on pleure également). Tout un programme ! Ce n’est pas peu dire qu’il devient lassant de voir sur grand écran des films qu’on aurait bien vus directement à la télé. La seconde tentative de Jennifer Devoldère se noie dans le flot des films au format télévisuel qui envahissent les salles de cinéma chaque année.
Eli (Michel Blanc) est le père bêtement et méchamment irresponsable de Justine (Mélanie Laurent) et Dom (Florence Loiret-Caille, qu’on remercie d’exister, réel souffle dans le film). On apprend que sa nouvelle femme est enceinte. Choc pour toute la famille. Eli (dont la muflerie à gros sabots n’est pas sans nous exaspérer passé les premières minutes) souhaite un fils, puis il demande à sa femme d’avorter au détour d’un oreiller. Bagarre. Insultes. On rit. Mais on s’offusque tout de même. Jennifer Devoldère ménage ses effets.
Ce grossier dosage de drame insipide et de comédie balourde fait d’Et soudain tout le monde me manque un candidat idéal à la petite lucarne car parfaite incarnation du film qui ne veut fâcher personne. La réalisatrice troque toute ambition cinématographique pour une démagogie purement télévisuelle. De cette absence d’aspiration découle une absence de choix qui concerne aussi bien la mise en scène que l’interprétation. On trouve Michel Blanc en post-Jean-Claude Dusse et Mélanie Laurent toute en inexpressivité (institutionnalisée depuis le Tarantino) d’un côté, Géraldine Nakache en copine cool et Manu Payet en comédien de stand-up de l’autre. On a droit avec Et soudain tout le monde me manque à un pot-pourri des castings d’Embrassez qui vous voudrez et de Tout ce qui brille. Un recyclage de comédiens au service d’une histoire anecdotisante au possible, dans laquelle il est plus ou moins question d’art et de radiologie, de tasses Illy et de sabots en plastique. En passant, on n’oubliera pas de rappeler à son petit ami de ne jamais nous appeler « Starbucks » sous prétexte d’une rencontre autour d’un café sous cellophane. Abolition de tout romantisme assurée. Jennifer Devoldère nous montre qu’elle vit avec son temps. Ses personnages portent des Crocs et boivent des cafés avec leur nom inscrit sur le gobelet. À travers son alter ego Mélanie Laurent (c’est pas moi qui le dis, c’est le dossier de presse), on apprend (attention dialogues ! Âmes sensibles sautez une ligne) qu’aujourd’hui on n’écoute pas du Fat Boy Slim parce qu’on n’est plus en 2001 et que parler de sa famille au premier rendez-vous c’est « trop la loose ». La réalisatrice veut penser, parler, consommer et réaliser jeune, mais son film est déjà incroyablement vieillot car trop préoccupé par la mode de la nouvelle génération. À trop vouloir plaire à tout le monde, Jennifer Devoldère parvient à faire d’une somme de non-choix un non-film.