Scénariste et réalisateur du film, Zach Braff y interprète également le personnage principal, Andrew Largeman. Ce dernier revient dans sa ville natale pour l’enterrement de sa mère. C’est l’occasion pour lui de retrouver d’anciens camarades, de renouer avec son père et avec son passé, et surtout de faire la connaissance de Sam, une jeune fille espiègle et pleine de vie. Braff développe ici une originalité certaine ainsi qu’un humour efficace, mais sans parvenir à éviter certains pièges. L’ensemble s’avère donc plaisant, mais inégal.
Dans sa forme, Garden State est un film qui cultive plusieurs influences et hésite entre divers styles : la comédie, la comédie dramatique, sans oublier le cinéma indépendant. Doit-on y voir le tâtonnement du premier film ou une réelle volonté de mélange des genres ? Toujours est-il qu’au bout du compte, c’est la comédie qui prime, parfois teintée d’humour noir. Le personnage d’Andrew est un déprimé chronique responsable du handicap de sa mère. En tant qu’acteur, son rôle le plus remarqué fut celui d’un joueur de football mentalement attardé. Autant de situations qui, sous la plume de Zach Braff, penchent du côté de la comédie. Et c’est là le principal atout du film : créer des situations où se distille un humour parfois grinçant.
Quand Braff joue la carte du décalage, il joue à quitte ou double. Un exemple de réussite est sans doute celui de l’enterrement de la mère. En cet instant solennel, une voix de crécelle s’élève : c’est une parente de la défunte qui lui rend un dernier hommage en interprétant une chanson de Lionel Richie. La caméra qui cadrait jusqu’alors l’assemblée en plan d’ensemble se rapproche de la chanteuse : ses joues maculées de larmes noires de maquillage et son expression dramatisante ne peuvent que provoquer le rire du spectateur. Dans d’autres cas la recette fonctionne un peu moins bien. Quand Andrew est réveillé par des bruits de ferraille, et qu’il découvre un individu en armure moyenâgeuse en train de prendre son petit-déjeuner, le contraste est d’abord drôle et réjouissant. Mais à bien y regarder, l’ajout de cet élément incongru est finalement un peu facile (l’armure n’est autre que la tenue de travail de l’individu en question). Andrew croisera d’autres personnages bizarres, comme l’ancien camarade devenu policier, ou celui qui vit seul dans un immense château. Autant d’exemples qui nous rappellent que l’art du décalage est délicat, et que la frontière entre le rire et le ridicule est parfois très mince.
L’humour du film est principalement basé sur l’hyperbole, sur l’accumulation comique. Ainsi, lorsque Andrew ouvre son armoire de toilette, nous découvrons des rangées entières de flacons de médicaments parfaitement alignés. Le même effet se reproduit dans le bureau du médecin : la caméra nous montre les multiples cadres et diplômes qui recouvrent les murs de la pièce, avant d’effectuer un léger travelling ascendant pour nous montrer le dernier cadre qui, faute de place, a été accroché au plafond.
Il est alors dommage que cette originalité se trouve gâchée par des personnages stéréotypés et des platitudes dans le scénario. Zach Braff a bien du mal à sortir de son rôle de déprimé, et n’évite pas l’écueil de l’égocentrisme. Il est en effet omniprésent, et on ne compte plus les plans centrés sur son personnage. Quant à Natalie Portman, dont le dynamisme est louable, elle en fait des tonnes dans son rôle de fofolle, allant parfois jusqu’à la minauderie. La dernière déception est sans doute la fin du film, navrante et enrobée de guimauve. Elle donne réellement à réfléchir sur le statut de Braff. À partir du moment où le film n’est pas estampillé « Hollywood », et si Zach Braff se prétend auteur, alors on souhaiterait qu’il aille jusqu’au bout de sa démarche. Or certains éléments procurent un sentiment d’inachevé, voire d’incohérence.
Braff n’est pas complètement maître de ce qu’il met en place. Le film oscille entre énergie et stagnation, entre bonnes idées et effets vains. Par exemple, Andrew, sous ecsta, est en train de végéter sur un canapé. L’utilisation de l’accéléré autour de lui a alors pour fonction de provoquer un contraste plutôt réussi avec son état léthargique. En revanche, l’usage du ralenti à un autre moment n’apportera rien à la scène. Preuve d’une volonté de recherche formelle qui n’atteint pas toujours son but.
Il règne donc sur le film un vent de folie, mais l’ensemble ne décolle pas toujours. Garden State n’est malheureusement pas le film d’une génération que l’on aurait pu attendre, mais le ton et le style sont prometteurs. Reste à savoir si Zach Braff transformera l’essai.