Zac and Vanessa are back ! Les petites minettes de 4 à 9 ans en trépignent d’avance : pour la troisième fois, elles vont pouvoir glousser devant les mièvreries de leurs ados préférés et les entendre enfin bêler leurs problèmes existentiels sur grand écran, par la magie marketing de leur cher tonton Disney, forcément ravi que les deux précédents opus aient été (dixit le dossier de presse) « l’un des plus grands succès de la télévision » (ou « le plus grand », on n’est plus à un superlatif près). Attention les yeux et surtout les oreilles, et comme dirait l’autre, rangez votre cerveau au vestiaire.
Si l’on avait l’intention en toute bonne foi de faire fi de ses a priori, et d’être réceptif au moindre soupçon de volonté artistique (aïe, quel vilain mot), la première scène se charge de les dynamiter. Alors qu’il ne leur reste que seize minutes pour remporter le championnat de basket inter-lycées, l’équipe des Wildcats menée par le valeureux Troy (sans lien avec Homère) est menée de trente points. Mais everything is possible quand on a la foi et une jolie amoureuse qui se dresse dans les gradins pour chanter (pardon, crier) son amour et son admiration au jeune héros très réceptif (oh, yeaaaahhh). Et hop, panier, victoire, coupe, pom-pom girls et fête très arrosée, au Champomy – les ados disneyiens n’ont pas de vices, que diable – tandis que les deux protagonistes, main dans la main, se crèvent les tympans dans une cabane au fond du jardin. Dix minutes seulement de film, et on a déjà la tête qui implose. On crie grâce, mais il reste une heure quarante. Bienvenue en enfer.
L’histoire tient en deux lignes. C’est la dernière année au lycée, le temps du bal de promo et des albums photos, mais Troy a trop à faire avec le grave dilemme de sa vie : choisira-t-il le basket ou la chanson, ses deux passions ? On ne peut résister à vous révéler la fin de ce suspense insoutenable : il choisira les deux, mon colonel ! Oui, tout ça pour ça. Sachant que le même dilemme était déjà à l’œuvre dans l’opus 1 de High School Musical (et sans doute également dans le 2), on comprend rapidement que le scénario ne sera pas le point fort du film, ou disons, le point le moins faible. Au fond, le problème, ce n’est pas tant le désintérêt total de ce qui se raconte, mais la paresse odieuse qui gangrène la façon dont cela est raconté. Le montage ressemble à un gros hoquet permanent, passant d’une scène à l’autre dans la brusquerie la plus totale ; la psychologie des personnages est réduite à une caricature grossière pour attardés mentaux (la blonde top canon et top méchante, mais en fait un peu gentille ; le meilleur ami noir qui sort avec la meilleure amie noire ; la prof de théâtre habillée comme Mrs Doubtfire ; la pianiste bohème à lunettes) et la mise en scène se réduit à un croisement d’American Idol et de La Petite Sirène avec quelques petits effets de lumière ici ou là au moment où le réalisateur était revenu de sa pause café ou de sa sieste.
Niveau musical pur, High School Musical atteint le fond. Entre le futur tube « l’amour, c’est bien », ou le futur autre tube « la vie c’est trop compliqué, alors j’me casse la voix » ou encore le top du top 50 « c’est cool d’être tous ensemble », notre cœur balance. On ose à peine dire que les inspirations du réalisateur Kenny Ortega venaient, dixit lui-même, des comédies musicales de l’âge d’or hollywoodien : esquisser deux pas de claquettes ne permet toujours pas de se réclamer de Fred Astaire, tout comme jouer trois accords au piano ne fait pas de soi le nouveau Glenn Gould. Néanmoins, le brave homme n’a pas tout à fait tort : le chorégraphe est sans doute la seule personne qui n’a pas perdu son temps sur ce film, au moins tant qu’il revoyait Tous en scène, Chantons sous la pluie, ou même Grease. Dommage qu’il n’ait pas trop su quoi faire de ces inspirations, noyées dans le discours lénifiant de « suis tes rêves si tu veux être heureux ». Moralité : mieux vaut encore être sourd et aveugle que de laisser rêver Disney.