Comédien jamais récompensé malgré une quarantaine d’apparitions à l’écran en près de trente ans de carrière, Pascal Elbé changea de casquette, en 2009, pour réaliser un premier film au regard plutôt ample et prometteur sur les banlieues. D’abord chronique sociale, avant de trébucher dans les écueils d’un film de genre peinant à avoir à dire au-delà de son intrigue, Tête de Turc, à la fois film choral (un peu arythmique) et policier (au suspense vain), se vit tout de même salué au Festival des Films du Monde de Montréal. L’on y apprécia notamment la capacité d’Elbé à mettre en scène, de façon prosaïque, la violence pouvant agiter nos banlieues, sujet encore sensible et important, quatre ans après les lourdes émeutes qui avaient agité la région parisienne.
Plus monstrueux que le fait divers
En 2015 et pour son deuxième long-métrage, Pascal Elbé choisit de prendre le contrepied du premier en mettant en scène de nouveaux riches dans le cadre d’une comédie. Et, s’il avait à dire sur les banlieues, force est de constater que c’est bien moins le cas ici. Malgré un double thème qui aurait mérité un meilleur traitement – le mammonisme d’un homme et sa pathologie mythomane – Je compte sur vous peine à y insuffler le moindre discours, préférant à cette option le récit complaisant du parcours de deux arnaqueurs. Ni brillant scénariste, tant le propos manque de hauteur de vue, ni grand réalisateur – nous y reviendrons – Pascal Elbé s’impose en simple lecteur d’un fait divers (celui relatant les rocambolesques arnaques téléphoniques d’un dénommé Gilbert Chikli durant les années 2005 et 2006) qu’il transpose dans un univers aussi sordide qu’il le voudrait joyeux.
Dans l’univers opulent et bonhomme de Je compte sur vous, l’argent est roi et ceux qui parviennent à en acquérir les quantités les plus considérables par les moyens les plus vils se voient héroïsés. Le bonheur semble alors se résumer à des liasses de billets, une villa avec piscine et des aller-retours entre la France et Tel Aviv (nauséabonds clichés dont se serait bien passée la communauté juive). Le traitement iconique du personnage principal interprété – non sans une certaine énergie – par Vincent Elbaz génère un réel sentiment de malaise, tant d’un point de vue éthique que dans l’indigence de son imaginaire (composé de gros plans en contreplongée, de lunettes de soleil en intérieur et de jets de liasses les cheveux au vent).
Sans moyens ni ambitions
Extrêmement bavard et ne parvenant jamais à s’extraire des contraintes de scènes faisant fréquemment appel au téléphone, Je compte sur vous souffre d’un cruel manque de rythme. La séquence d’exposition mettant en scène une première arnaque s’étire de façon interminable sans que ses enjeux dramatiques ne se développent au delà de ses deux premières minutes. Faute d’un dialoguiste de talent, capable d’accrocher le spectateur aux lèvres d’Elbaz, le film semble alors tourner à vide une vingtaine de minutes avant de chercher à raccrocher les wagons durant les séquences suivantes. Le coup d’accélérateur, sensé lui réinsuffler du tempo, et donné par une scène au montage clipesque valorisant la réussite des deux compères sur « Fisherman’s Blues » des Waterboys (pauvre d’eux) introduit alors – sur la mécanique de Tête de Turc – une seconde partie de film déroulant un thriller dénué d’intérêt.
Terrible aveu quant à la pauvreté de la pensée d’Elbé, c’est cet ersatz de téléfilm commercial à petit budget, noyé dans le costume trop grand du septième art, qui frustre le spectateur en substituant, aux thèmes du mensonge et de la folie engendrée par l’argent, un simple jeu du chat et de la souris entre un petit escroc sans envergure et les hommes qui le recherchent. Quand, de ces hommes, c’est la police qui achève de le retrouver (plutôt que les mafieux auxquels il doit des comptes), Pascal Elbé se souvient enfin qu’il a peut-être quelque chose à nous confier. S’ensuit alors une dernière scène touchante où, prisonnier, son personnage principal tente de faire croire à un jeune fils incrédule qu’il ne s’agit que d’une mission secrète, mais il est déjà trop tard et les barreaux se referment sur un film cliniquement malade et mis en échec.