À Tel-Aviv, trois jeunes femmes palestiniennes se retrouvent à partager un appartement à la suite d’un drôle de concours de circonstances. Chacune d’elles incarne à sa manière une problématique de l’affirmation féminine au sein d’une culture patriarcale écrasée par le poids des traditions : Laila vit une relation libre avec un homme, Salma est engagée dans une histoire d’amour avec une femme et Nour, la seule voilée des trois, est promise par son père à un homme dominateur, brutal et très pratiquant qu’elle n’aime pas. Rapidement, le petit groupe se retrouve à faire front commun pour braver la quantité d’obstacles et les regards réprobateurs qui les privent d’accéder à leur pleine liberté. Ceux qui les empêchent font généralement partie de leur entourage proche : Laila est elle-même jugée par son petit ami qui exige d’elle un comportement plus conventionnel, Salma est quasiment reniée par ses parents lorsqu’ils découvrent ses préférences sexuelles tandis que Nour devra se livrer à un audacieux stratagème pour se libérer de l’emprise de son futur mari. Il fait peu de doute que la réalisatrice ait voulu faire de son film une œuvre militante et sensibiliser son public aux combats contre les comportements archaïques qu’il reste encore à mener pour les femmes de sa génération. Malheureusement, aussi altruiste et sincère soit-il, le résultat ne sort jamais des sentiers battus, enchaînant les scènes comme autant de passages obligés qui ne donnent jamais à ces trois destinées la puissance dramatique espérée. On reste le plus souvent dans un inventaire de situations diverses que la mise en scène (d’un naturalisme blafard et illustratif, alternant mollement les échelles de plans) et le montage (linéaire, limité à une succession de champs/contrechamps) ne parviennent jamais à transcender pour que le film puisse devenir une vraie proposition de cinéma.
Manque de recul
On est tenté de comparer Je danserai si je veux au très remarqué Much Loved de Nabil Ayouch (2014) qui dépeignait avec une belle énergie le quotidien dans le Marrakech interlope de quelques prostituées vivant en colocation et défiant constamment l’attitude hypocrite de leur entourage. Si le contexte n’est en rien comparable avec celui du film de Maysaloun Hamoud (qui propose ici une approche davantage sociétale, moins axée sur des portraits de femmes marginalisées en raison de leur activité professionnelle), on peut néanmoins regretter que ce dernier ne soit pas capable de sortir de son périmètre de sécurité établi par un scénario trop balisé. À distance de la bruyante Tel-Aviv qui ne reste qu’une toile de fond, la mise en scène n’offre pas beaucoup d’espace au tempérament de ses actrices. Même le rapport au corps, pourtant au centre de nombreuses problématiques puisque la sexualité est ici choisie ou subie, reste superficiellement traité. Mais ce qui pose le plus problème dans le film à l’esthétique documentaire, c’est la manière dont la question du viol (le véritable point de rupture du récit) est abordée par le prisme de l’image-symbole : en un plan sur l’entrejambe ensanglanté de Nour, ses colocataires comprennent immédiatement ce dont elle a été victime, sans qu’elle n’ait à faire l’effort de rendre compte du calvaire qu’elle a vécu. Pas plus de mots ne seront nécessaires pour que se mette en place un stratagème visant à piéger le coupable : séduit, filmé à son insu et ensuite menacé, l’homme n’aura pas d’autres choix que de céder en libérant sa fiancée du mariage auquel elle était condamnée. C’est particulièrement déconcertant — pour ne pas dire simpliste et contreproductif — de faire d’un sujet aussi complexe que celui du viol un simple nœud dramatique qui se résout aussi facilement. Mais la réalisatrice ne semble pas vouloir s’embarrasser des subtilités, tant elle se range du côté de ses trois personnages féminins sans pour autant nous donner la possibilité d’accéder à leur intériorité. Au bout du compte, Je danserai si je veux finit par plier sous le poids de son didactisme programmatique.