Adepte de la simplicité et des bons sentiments, Carlos Sorín partage depuis quelques années ses anecdotes argentines en proposant des films en forme de fables : de petites histoires originales ou banales, faites pour nous rappeler que le bonheur se trouve dans les choses les plus simples. Avec Jours de pêche en Patagonie et son protagoniste, ancien alcoolique de Buenos Aires en vacances en Patagonie pour s’essayer à la pêche au requin, le réalisateur ne fait que rejouer une partition déjà connue, jolie mais trop simpliste pour être vraiment agréable.
En voyage dans la campagne argentine suite à un problème de santé, Marco Tucci se repose et apprend à pêcher le requin. On comprend vite que la pêche n’est qu’un prétexte à son voyage puisque l’hôtel où il s’installe est proche de l’endroit où vit sa fille, qu’il n’a pas vue depuis plusieurs années. Leur passé tumultueux et l’ancien alcoolisme du protagoniste, bien que tus le plus souvent, apparaissent clairement comme le point de départ de l’intrigue et le prétexte de l’anecdote : au fond, il ne s’agit que de la rédemption d’un vieil homme réconcilié avec la vie – et qui entend se réconcilier avec sa fille, devenue mère.
Sous ces bonnes intentions et ces bons sentiments, Carlos Sorín applique la recette de ses précédents films et notamment de son deuxième long-métrage (Historias Mínimas, il y a dix ans) qui s’évertuait à trouver, sous la simplicité du quotidien, le plaisir de la vie. De ce bon film, le réalisateur argentin reprend le propos, y ajoutant malheureusement la pesanteur de son sujet (rédemption et pardon). Malgré la beauté des paysages de Patagonie, malgré la simplicité et la pudeur dont fait preuve la mise en scène de Carlos Sorín, ses Jours de pêche en Patagonie ressemblent trop à la répétition scolaire d’une méthode qui a fonctionné et qui peut sembler, in fine, aussi vide que les routes longues et désertes qu’il aime filmer.
À cause de la peur du scénario à dévoiler explicitement les enjeux de son thème – une peur justifiée – la première moitié du film s’éternise sans qu’on en saisisse la direction. La seconde moitié, qui s’attache plus précisément à réconcilier les personnages, est plus traditionnelle, mais aussi plus balourde : caché derrière la finesse supposée de ses silences, le réalisateur se laisse aller à des scènes assez grossières, qui jouent d’un sentimentalisme facile et pleurnichard (voir notamment la scène du restaurant où le protagoniste est laissé seul avec le jouet qu’il souhaitait offrir à son petit-fils). Proposer son personnage dans le hic et nunc de la fiction sans jamais expliciter ses motivations – intention louable – condamne malheureusement Jours de pêche en Patagonie à la molle univocité de son propos et de sa démonstration – alourdie, encore, par la moue satisfaite de l’acteur principal. Ainsi la relative spontanéité du récit est balayée par sa tendance trop lourde à jouer sur la corde sensible. Ce petit et joli film n’apporte rien de neuf – ni à la filmographie de Sorín, ni au spectateur.