On avait quitté Diastème aux prises avec Un Français et les relents fascistes d’un homme étalés sur plusieurs décennies. Le revoici dans un récit plus modeste, concentré sur un été (les deux mois estivaux du titre) et s’appuyant sur les péripéties de deux jeunes sœurs, Laura (14 ans) et Joséphine (18 ans) – soit deux stades de l’adolescence propices à une cristallisation des états d’âme d’une jeunesse moderne. Les frangines voient leurs vacances, à l’image du film, partagées entre leur mère dans le Sud et leur père en Bretagne : d’un côté, le soleil, les maillots de bain et les fêtes sur des bateaux ; de l’autre, la pluie, les K-way et la désillusion des amours éphémères. Une manière comme une autre de relancer le débat sur les privilèges des juillettistes et des aoûtiens… Car si Diastème oppose les deux territoires du film, il crée surtout des échos souterrains ou des prolongements significatifs entre les deux parties : telle relation se concrétise au soleil puis se délite dans la nuit bretonne, tel masque tombe par le biais d’une révélation inattendue. Juillet août ne traque pas l’absolu de cet été (le film n’aurait pas pu s’appeler Les Français) mais en capture plutôt les légers déraillements, la simple chronique naturaliste cédant souvent le pas à un appel d’air fictionnel réjouissant : Joséphine s’amourache d’un petit voyou de bas étage, Laura jouant plutôt la petite rebelle qui n’arrive pas à garder sa langue dans sa poche et révélant à chacun les secrets des autres. Bien vite, on comprendra que ce sont surtout les parents qui vont en prendre pour leur grade, eux qui se comportent exactement comme des adolescents paumés : la mère tombe enceinte d’un éditeur littéraire fauché, le père n’arrive pas à maintenir à flot sa nouvelle liaison. C’est sans doute grâce à ce renversement de perspectives que le film de Diastème évite de sombrer dans la caricature du film de vacances. Rythmé par les mélodies indolentes de Fréderic Lo (connu pour avoir collaboré avec Étienne Daho ou Alex Beaupain), Juillet août n’hésite pas ainsi à forcer sur les contrastes, voyant le père venir en aide à l’amant de sa fille, loin des poncifs du genre. La morale est ainsi constamment chahutée, ballottée, remise à plat sur la table des affects et du ressentiment, pour finalement s’éparpiller au gré des retournements de situations, soulignant à la fois l’audace de la jeunesse et le sérieux absurde de l’âge adulte.
L’amour à la plage
On pourra certes facilement reprocher à Juillet août une certaine légèreté formelle, Diastème délaissant l’impressionnante rigueur de son œuvre précédente pour adopter une approche misant plus sur des effets de raccord au montage qui permettent aux acteurs du film – et notamment ses jeunes interprètes – de s’épanouir au fur et à mesure que l’émotion du film se déploie. Le réalisateur cède aussi parfois à des pastilles purement illustratives (la musique écrasant alors littéralement les dialogues et dès lors une possible émotion) alors qu’il s’autorise par ailleurs de belles ellipses sèches et inattendues qui donnent à Juillet août un tempo à la fois alangui et rêche. Alangui car Diastème s’arrime à son œuvre chorale en réservant à chaque protagoniste une réelle consistance amenée par une durée inhabituelle de certaines séquences (mêmes les plus anodines, à l’instar du personnage de Patrick Chesnais que le réalisateur accompagne jusqu’au bout alors qu’il n’aurait été qu’un élément lambda chez un autre). Rêche car les deux revers du film, solaire et pluvieux, n’empêchent pas une certaine mélancolie sur le temps qui passe et un discours sous-jacent – notamment les faux-semblants de l’épilogue – qui pourrait sonner comme un appel à rentrer dans le rang si Juillet août n’avait pas distillé tout au long de son déroulé une certaine folie aigre-douce qui dynamite avec une bienveillance appréciable les codes du traditionnel film d’été.