Nouvelle déclinaison de la prophétie maya, version rom-com de l’été, où, juste avant que le monde n’explose, le Droopy Steve Carell tombe amoureux de sa voisine survoltée jouée par Keira Knightley. C’est doublement dommage : entre mélange des genres et des tonalités, romantisme exacerbé et road-movie pseudo-délirant, Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare rate son dynamitage des conventions.
Le prétendant au titre de comédie romantique de l’été 2012 se devait d’être apocalyptique, toute exacerbation des enjeux étant, en principe, jubilatoire pour un film de genre. À l’opposé de son rival 5 ans de réflexion et de son indécision maîtresse, Jusqu’à ce que la fin du monde… se construit sur l’urgence du besoin d’amour et la précarité des relations. À peine l’apocalypse annoncée pour dans trois semaines, Dodge (Steve Carell) se voit plaquer par sa femme qui prend la fuite, d’ennui. Pendant ce temps, Penny (Keira Knightley) est au bord de la crise de nerfs avec son copain stressé (Adam Brody, le Seth Cohen de Newport Beach, drôle et ambigu mais trop rare). Leur rencontre inopinée révèle une maladresse de Penny qui a, par négligence, fait rater à Dodge une lettre de son amour de jeunesse. Commence alors un voyage à deux pour la retrouver en pleine débandade, sans suspense aucun. Mais le problème n’est pas là.
Pour son premier film, la scénariste Lorene Scafaria, à qui l’on doit le sympathique Une nuit à New York, cherche, à travers le motif de l’apocalypse, un film total où tout serait re-brassé par la lessiveuse du romantisme le plus échevelé : grotesque, effroi, merveilleux… Comme dans Une nuit à New York, la romance se déploie sur un enjeu maximisé (le concert du groupe le plus rare et secret qui soit ; la fin du monde) qui fait unité de temps et finit en MacGuffin, dépassé par l’histoire d’amour. Ici, l’apocalypse se veut une manière de ne pas prendre son sujet au sérieux, de le rendre plus cool : faire du stop avec un redneck suicidaire, s’abriter dans le bunker de vétérans d’Irak paranos, s’arrêter dans un diner où l’on sert à toutes les sauces de la drogue qui rend tout le monde lubrique… Mais l’aléatoire de la fin du monde ne relance jamais le manque de rythme dû au côté « vignette » des situations qui ne sont jamais exploitées jusqu’au bout de leur bizarrerie. La candeur énergique qui fonctionnait plus simplement et de manière équilibrée dans Une nuit à New York devient laborieuse et produit une rom-com imbue de son romantisme, sûre de son ambition pompière.
Cet excès ne serait rien sans le duo Carell-Knightley qui ne fonctionne pas. Alors que le début est un condensé mineur du comique carellien (clown triste impuissant face au monde), la venue d’une Keira Knightley déchaînée désamorce sa figure de somnambule pathétique pour en faire un banal quadra baba d’amour. Même s’il donne quelque chose de touchant à son personnage, Carell est noyé par le festival de saccades céphalo-oculaires et autres gesticulations de sa partenaire. Difficilement supportable, la prestation de Knightley rappelle son penchant pour la sophistication du jeu. Ce déséquilibre du casting est à l’image du projet raté de Scafaria : là où l’apocalypse aurait dû redéfinir les normes et les oppositions, inventer plus patiemment une manière de conjuguer deux rythmiques contraires, deux tonalités comiques, il ne s’agit que d’affirmer la norme du grain de folie maîtrisé de la Manic Pixie Dream Girl, cliché féminin des comédies indies US, et de dérouler, avec emphase et faux suspense, une idée univoque de ce que serait un couple hors norme, improbable. Pas un road-trip, une autoroute.